HISTOIRE DE LA MUSIQUE ET DES INSTRUMENTS



ORIGINE DU PIANO ET DU CLAVECIN

Cette page vient en complément de : L'HISTOIRE DU PIANO

Comparé à d'autres instruments comme la flûte ou le violon, le piano est un instrument récent. Grâce à ses nombreuses évolutions technologiques, il est devenu en peu de temps la référence suprême dans la famille des instruments à clavier. Les constructeurs d’aujourd’hui en conviennent et continuent de s’en inspirer en essayant de l’imiter avec plus ou moins de bonheur à travers leurs claviers électroniques. Faut-il alors penser que la domination du piano est éternelle ? Que sa sonorité, son jeu seront répondre à l’attente des musiciens et des compositeurs de demain ? Pas si sûr ! L’histoire, une fois de plus, nous interpelle en nous rappelant qu'en d'autres temps le clavecin et l’orgue ont eu la faveur du public et des compositeurs, et que, finalement, le piano ne s’est imposé que pour avoir donné la possibilité de nuancer le phrasé.


LE DESTIN CROISÉ DE DEUX INSTRUMENTS : LE CLAVECIN ET LE PIANO

Évoquer le clavecin comme étant l’« ancêtre » du piano serait une erreur. Les deux instruments ont des filiations absolument distinctes aussi bien dans leur principe de fonctionnement (pour le clavecin, la corde est « grattée », tandis que pour le piano, elle est frappée) que dans leur usage. Même s’ils ont coexisté un temps, le piano a supplanté le clavecin parce qu’il correspondait mieux à un certain type de sensibilité. La naissance de la « fracture » verra le jour à la fin du 18e siècle.

Clavecin et piano sont de proches parents. En effet, les deux instruments ont pour ancêtre commun la cithare, un instrument dérivé de la harpe. L’instrument, dont les premiers modèles remontent à l’âge du bronze, évolua à maintes reprises pour finalement aboutir à un cadre en bois sur lequel des cordes étaient tendues. Une caisse de résonance et des barrettes amovibles permettaient de faire varier la hauteur du son à la façon des instruments monocordes utilisés par les Grecs, du temps de leurs premières recherches sur les intervalles sonores. Les cordes de l’instrument pouvait être gratté avec l’ongle ou un plectre. Certaines formes de cithare sont encore utilisées de nos jours, comme le koto au Japon.

Le psaltérion, qui est importé du Moyen-Orient au 11e siècle, se fait connaître en Europe au Moyen Âge, avec pour différence que les cordes ne sont plus grattées comme pour la harpe, mais frappées à l’aide de deux maillets. Leur utilisation provoque un son plus doux et des possibilités de jeu totalement différentes.

Le psaltérion, en raison de cet usage particulier, et pour éviter une certaine confusion avec le modèle grec, s’appellera tantôt manicordion, tantôt tympanon, et ce, jusqu’au médiéval et moderne cymbalum (particulièrement usité en Hongrie), où les cordes sont frappées par deux marteaux tenus à la main.

L’arbre généalogique des deux instruments peut se résumer à ceci :

  • Pour le clavecin :
    - Le psaltérion grec (les cordes sont grattées)
    - L’épinette (15e siècle – Adaptation d’un clavier et d’un mécanisme grattant les cordes).
    - Le clavecin (16-18e siècle – Adaptation d’un second clavier pour offrir des possibilités de registration).

  • Pour le piano :
    - Le tympanon (Moyen Âge – Les cordes sont frappées).
    - Le clavicorde (15e siècle – adaptation d’un clavier et transmission directe de la touche au marteau).
    - Le pianoforte (milieu du 18e siècle – Invention de l’échappement), le piano « moderne » (début du 19e siècle - Invention du double échappement et adjonction de pédales).

CLAVECIN ET ÉPINETTE

Le clavecin dérive de l’instrument à cordes grattées (improprement dites « pincées ») auquel on a adapté un mécanisme et un clavier, tandis que le piano dérive de l’instrument à cordes frappées. Le clavecin apparaît vers le 15e siècle sou la forme plus réduite de l’épinette, dont le premier exemplaire connu date de 1493. Le nom provient de l’« épine » qui gratte la corde.

Théoriquement, le principe est simple. Les cordes, comme dans le psaltérion, sont tendues horizontalement. Chaque touche soulève une petite pièce de bois verticale, le sautereau, à laquelle est fixé un bec (l’épine), faite d’un fragment de plume de corbeau, qui accroche la corde au passage. Toute l’astuce est dans le mécanisme ingénieux qui permet au bec de s’effacer et de ne pas accrocher la corde en redescendant. Le mécanisme ainsi créé est très délicat, en raison du choix de l’endroit exact où la corde doit être « pincée » pour mieux sonner.

L’épinette de petites dimensions est rectangulaire, et se pose sur une table. Plus grande, elle est trapézoïdale et munie de pieds. Elle poursuivra sa « carrière » modeste jusqu’au 18e siècle, parallèlement à celle du clavecin, comme le piano droit à côté du grand piano de concert.

© LPLT - Petite épinette, probablement fabriqué par G. Barbarani (1778)

Le clavecin apparaît dès le 16e siècle. Ses dimensions sont plus grandes et il possède déjà la forme du piano de concert. Il se distingue surtout par la présence d’un deuxième jeu de cordes qui sonne à l’octave – par assimilation avec l’orgue, on dénomme ce jeu « Quatre pieds » en l’opposant à « Huit pieds ». C’est le facteur Rückers, d’Anvers, qui est à l’origine de cette amélioration qui permet, comme à l’orgue, de « registrer ».

Très vite, toujours comme à l’orgue, un second clavier vient se superposer au premier ; l’instrument est dès lors complet, avec ses principales possibilités expressives. Quantité de subtilités de fabrication (matériau, mode d’attaque de la corde, finesse d’exécution, résonance de la caisse) lui apportent au 17e siècle sa perfection. La famille Rückers se distingue par des instruments d’une admirable ampleur de sonorité, non moins que la splendeur de la fabrication, et de la décoration confiée à de grands artistes de l’époque.

Le 18e siècle apporte peu ; le son s’affine, mais s’amenuise, selon le goût du temps. Comme pour l’orgue classique, tout est dit vers 1700.

Il est faux de dire que le clavecin a une sonorité mièvre et sèche. L’instrument possède de belles basses profondes, une richesse harmonique et une plénitude remarquables. Son défaut, comme pour l’orgue, est de ne pas pouvoir agir directement sur la corde pour faire un crescendo ou un decrescendo. Mais la possibilité de « registrer », c’est-à-dire de faire des oppositions de des contrastes de timbres, est plus en accord avec l’esthétique de l’époque qui lui a donné naissance.

C’est un changement de cette esthétique, de ce goût, et le désir de nuancer la phrase elle-même qui fera progressivement préférer l’autre famille, celle des cordes frappées ; d’où une recherche qui conduira au « pianoforte » (terme qui indique à quel idéal il répond), et par réciproque à l’abandon du clavecin.

Aujourd'hui, après un siècle et demi d’oubli, on rend justice au clavecin. De nombreux facteurs – depuis Pleyel qui construit au début du siècle le premier clavecin moderne – travaillent à faire de lui un instrument vivant. Le clavecin "moderne" connaît, dans les diverses œuvres que lui consacrent des compositeurs de musique contemporaine, une renaissance inattendue et un style d’exécution d’une originalité sans ombre d’archaïsme.


À PROPOS DU VIRGINAL

Variante de l’épinette, le virginal est surtout utilisé en Angleterre, principalement par les demoiselles, d’où son nom. Mais le mot désigne souvent dans ce pays tous les instruments à clavier et cordes pincées.


DU CLAVICORDE AU PIANO

Du tympanon médiéval à cordes frappées dérive la famille d’instruments dont le dernier rejeton est le piano. Le premier membre « officiel » de la famille est le clavicorde, qui semble apparaître au 15e siècle. Le plus ancien connu date cependant de 1543 seulement.

Sur une caisse en bois sont fixées les cordes, parallèlement au clavier. Au bout de chaque touche, une petite pièce métallique vient frapper la corde. La sonorité du clavicorde est faible, mais douce, délicate et permet jusqu’à un certain point de nuancer l’attaque de la corde. Bach, parait-il, aimait cet instrument et en possédait plusieurs.

Des recherches poursuivies simultanément en Allemagne, en Italie et en France au début du 18e siècle aboutissent peu après 1710 à la création du pianoforte (initialement dénommé forte-piano). Andreas Silbermann développe ces recherches, malgré certaines réticences des musiciens (dont J. S. Bach). L’instrument ne s’impose guère avant 1770, et il faudra attendre le Français Erard, au début du 19e siècle, pour voir le pianoforte devenir progressivement le piano.

Le principe de l’instrument repose sur l’échappement. Ensuite viendra le double échappement, qui permet au marteau d’être solidaire de la touche lors de l’attaque de la corde (et donc solidaire du doigt qui frappe « forte » ou « piano ») – et de retomber immédiatement, de manière à laisser vibrer la corde librement ; et, d’autre part, de libérer un étouffoir de feutre qui éteint la vibration à l’instant où le doigt relâche la touche.

On peut ainsi affirmer qu’avec l’invention du double échappement, et grâce à Erard, est né le piano que nous connaissons actuellement, et ce, quelles que soient les améliorations qui sont nées depuis : cadre métallique pour une plus grande tenue de l’accord, cordes croisées pour améliorer la résonance, feutrage des marteaux, élargissement du clavier, pédales, etc.

LE PIANOLA


source img : http://www.pianola.nl


À PROPOS DU PIANOLA

Instrument inventé en 1900 par l’Américain Votey. Par une soufflerie à pédales, il fait passer, sur une barre percée d’autant de trous que de notes, un rouleau de musique perforé ; la coïncidence du trou et de la perforation produit la note. Le pianola peut toutefois être utilisé comme un instrument à clavier normal, avec registres et pédales.

La firme Aeolian qui le fabriquait vendait à ses usagers des symphonies, des arrangements d’opéras, etc., en rouleaux perforés ; l’apparition du disque en ralentira la diffusion.


LE LUTHÉAL

Accessoire du piano à queue auquel il ajoute des possibilités de jeux (« harpe tirée », « jeu de clavecin ») et de timbres sans empêcher le jeu normal de l’instrument. Inventé vers 1920, et employé par Ravel presque seul, celui-ci l’utilisa pour évoquer le cymbalum hongrois dans Tzigane et le clavecin dans L’enfant et les sortilèges.


LE PIANO PRÉPARÉ

Dès le début du 20e siècle, les compositeurs américains Henry Cowell et Charles Ives exploitèrent les ressources du « piano préparé » en modifiant la vibration des cordes par l’entremise de matériaux divers (caoutchouc, bois, métal…) entre et sur les cordes du piano ; quelques décennies plus tard, John Cage donnera un élan décisif aux techniques du piano préparé, à travers des œuvres comme les Sonates et interludes (1945/1948) ; en 1949, il devait concevoir à ce sujet une récompense de la National Academy of ARTS AND Letters pour avoir « reculé les frontières de l’art musical ».

En savoir + : Le piano préparé, il en est question sur 'Piano Web'.

Par PATRICK MARTIAL (12/2013)

(source : Histoire de la musique occidentale - Jean et Brigitte Massin)

En savoir plus : Histoire du piano

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