TECHNIQUE ET MAO



HUMANISER SA BOÎTE À RYTHMES (PROGRAMMATION)

La boîte à rythmes programmable fait partie des outils indispensables du claviériste travaillant en home studio. La perfection rythmique est l'une de ses qualités. Or, c'est bien souvent cette rigueur qui pose problème quand on cherche à rendre le jeu plus humain...


L'ASSOCIATION GROSSE CAISSE ET CAISSE CLAIRE

Imaginons un dialogue avec un pianiste que nous appellerons Monsieur Balthazar. Celui-ci vient de composer une mélodie avec quelques accords et compte utiliser sa boîte à rythmes, sauf que...

Monsieur Balthazar : « L'idée est déjà là, mais une fois le rythme programmé, le résultat obtenu ne sonne pas comme je l'ai imaginé. Pourtant, tous les composants sont là. Il ne manque rien : grosse caisse, caisse claire, cymbales... »

Piano Web : « Un manque de feeling, peut-être ? »

Monsieur Balthazar : « Peut-être ! Mais comment recréer ce "groove" si précieux ? »

Piano Web : « Déjà, si avec votre boîte à rythmes, vous cherchez à remplacer le jeu d'un vrai batteur, mettez-vous plutôt en quête d'en trouver un ! Sinon, pour concevoir astucieusement les chemins qui conduisent à reproduire une dose « d'humanité rythmique », il convient de concevoir la batterie en deux parties. Observez une partition de batteur. Vous voyez les deux voies parallèles. D'un côté, la grosse caisse, la caisse claire et les toms, et de l'autre, les cymbales et le charleston ? »

Monsieur Balthazar : « Pourquoi ? »

Piano Web : « Généralement, dans le domaine de la programmation d'une boîte à rythmes, il est important que l'assemblage complémentaire grosse caisse et caisse claire ne souffre d'aucun défaut de mise en place, d'autant que les lignes rythmiques de la basse font régulièrement corps avec ces deux percussions. C'est avant tout une question de sensation physique dans le résultat. En outre, puisque la question du feeling est évoquée, il est fondamental de rappeler que cette sensation ne s'écrit pas, mais qu'elle possède une qualité indéfinissable recherchée par le programmeur et le musicien. Ce que vous ignorez certainement, c'est que le feeling se ressent nettement plus dans l'utilisation des fréquences élevées, comme le charleston et les cymbales. »

© Speculos (wikimedia) - La TR707 de Roland appartient à la seconde génération des boîtes à rythmes programmables analogiques/numériques (1985). Son ingénieux système de leds, accompagné de ses différentes figures rythmiques écrites, permet de créer rapidement un rythme mis en boucle à la volée. Vous remarquerez aussi la présence de la fonction shuffle et le paramétrage individualisé du kit de batterie. Une BAR bien pensée pour l'époque et qui a rendu bien des services.


JOUER AVEC LES ACCENTUATIONS DYNAMIQUES

Les éléments du « feeling » reposent en premier sur une application judicieuse des accentuations rythmiques que l'on retrouve dans les écritures par un petit signe placé au-dessus de la tête de la note. En jouant sur des variations de frappe, on obtient déjà quelques subtiles « imperfections » que toute boîte à rythmes programmable est en mesure de déployer.

Monsieur Balthazar : « Comment dois-je procéder ? »

Piano Web : « Avec de la patience, et si votre BAR le permet, construisez un kit de percussion contenant plusieurs variations de cymbales et de charlestons. Puis, en fonction de l'intensité de la frappe, vous alternerez entre des timbres mats si le coup donné est imperceptible ou brillant s'il est vigoureux. Cette façon de travailler une percussion permet de la rendre plus réaliste. Pour réaliser cela, opérez en deux temps. Enregistrez d'abord le rythme en live : grosse caisse et caisse claire, puis le charleston ou la cymbale ride. Ensuite, retouchez le rythme enregistré en utilisant le pas-à-pas. Cela prend un certain temps, mais cela vaut le coup ! »

« J'ajoute qu'en théorie, dans la mesure où vous pouvez « enregistrer » un rythme tel que vous l'entendez dans votre tête, il n'existe aucune raison particulière pour que le résultat ne s'humanise pas. Néanmoins, cette logique est rarement applicable à la lettre. La raison vient de la résolution de la boîte à rythmes qui, même en haute définition, corrige inévitablement le « jeu live » par auto-correction. »

Le timing d'un battement, par rapport au suivant dans l'interaction de tous les sons d'une orchestration (séquence), constitue l'autre composant dans la création du feeling. Bien évidemment, il est nécessaire que la BAR puisse y répondre techniquement.

Monsieur Balthazar : « Cela signifie-t-il alors que le feeling ne peut pas être enregistré ? »

Piano Web : « Oui, car la boîte à rythmes est électroniquement conçue avec des circuits numériques qui sont nécessairement limités. »

Monsieur Balthazar : « Peut-être, qu'une correction à la quadruple croche reste suffisante ? »

Piano Web : « En les poussant dans leurs retranchements, la plupart des machines quantisent avec une précision qui avoisine le triolet de quadruples croches, parfois jusqu'aux quintuples croches (1/192 sur une mesure en 4/4). Vous estimez certainement que cette finesse est suffisante ? Eh bien non ! Dans la réalité, quand vous jouez en « live » une note (un événement rythmique), celle-ci « penche » d'un côté ou de l'autre de la quantisation la plus fine de la machine. Or, la machine déplacera la note à l'endroit qu'elle jugera lui convenir en fonction de ses limites. Dès lors, il naîtra une toute subtile et infime différence entre la partie exécutée et celle reproduite par la BAR, mais suffisante pour repousser le feeling apparu avec le « jeu live ». ll est impossible de maîtriser ou de corriger cela, d'autant que chacun de nous restitue un rythme identique de différentes façons. C'est certainement génial pour l'expression de la musique, mais extrêmement compliqué quand il devient nécessaire de le coder ! »

Monsieur Balthazar : « Et le pas-à-pas, dans ce cas, peut-il être utile ? »

Piano Web : « Certes, en entrant dans le cœur de la machine avec le pas-à-pas, il peut être envisagé de contourner l'autocorrection en intervenant sur la mise en place des événements que vous jugerez fautifs. Toutefois, gardez à l'esprit que cette correction manuelle n'ira jamais au-delà des capacités de résolution de la boîte à rythmes. »

Monsieur Balthazar : « Il n'y a donc rien d'autre qui puisse humaniser ma rythmique ? »

Piano Web : « Pas tout à fait. Les constructeurs ont vite compris que les reproches évoqués par les musiciens étaient justifiés, mais que la programmation manuelle ne pouvait pas tout. L'idée sera alors d'incorporer un dispositif qui soit en mesure de se rapprocher du jeu humain, un procédé de quantisation appelé le « facteur swing ». »


LE FACTEUR « SWING »

Depuis la seconde génération de boîtes à rythmes programmable, le dispositif baptisé « swing » est présent, du moins sur les machines de qualité professionnelle. Son objectif est de produire un rythme régulier, mais progressivement « asymétrisé » en naviguant dans l'espace-temps qui sépare un jeu de notes binaires de celles ternaires. Ce paramètre est programmable avec plus ou moins de « déportation » entre les deux valeurs. Ainsi, si on décale légèrement vers le ternaire, une sensation de « swing » se présentera, alors que dans le sens inverse, quand on n'y touche pas, l'impression ressentie à l'écoute sera excessivement « carrée ».

Sur les premières BAR qui étaient équipées de la fonction « swing », le paramétrage concernait tous les éléments de la batterie et la totalité du pattern programmé. Depuis, ceci a été corrigé et les BAR actuelles sont en mesure d'individualiser le réglage. Par exemple, vous pouvez faire jouer la caisse claire au fond du temps (avec une basse quantification) et utiliser le « facteur swing » sur le charleston avec un décalage infime.

Monsieur Balthazar : « Le "swing" ? Mais je ne souhaite pas réaliser un rythme jazz ! »

Piano Web : « Je vous rassure, un petit dosage de swing correspond à un léger shuffle qui, combiné à un rythme binaire quantisé, produit cette discrète imprécision propre au jeu humain. Il est important de préciser également que cette « parade » doit être délimitée à quelques parties du song, pour éviter que se reproduise trop de rythmes identiques. Des variations sont à rechercher et demande du temps. Naturellement, le « facteur swing » devient inutile si la fonction s'adresse à un claviériste adepte de musique électronique et dont l'unique ambition est de marteler un rythme excessivement carré. En revanche, une programmation dans un esprit jazz réclame nécessairement une approche plus subtile et une écoute préalable et attentive du jeu des batteurs. Chaque style musical réclame ses propres spécificités, même et surtout en programmation !

© Steinberg (steinberg.help) - Ici, une autre façon de prendre le contrôle de la programmation rythmique avec l'éditeur de rythme du logiciel Cubase. Moins intuitif et moins pratique qu'une BAR indépendante, le programme est par contre très pointu. Il s'adresse prioritairement à des programmeurs chevronnés qui travaillent en MAO. Pour en retirer un véritable bénéfice, il faut dans un premier temps bien potasser la documentation. Cette image, extraite d'une aide en ligne fournit par le constructeur, explique bien des choses, avant même de songer à en retirer un réel bénéfice.


UNE MISE AU POINT S'IMPOSE

Globalement, pour se rapprocher de la technique humaine, il vaut mieux tenir compte de la dynamique et du timbre liés à chaque percussion, plutôt que de tout miser sur les possibilités « d'imperfection rythmique » comme le « facteur swing ». Dans la plupart des situations musicales à résoudre, ce sont les combinaisons d'accentuations et de dynamiques (crescendo ou diminuendo), qui produisent le meilleur résultat concernant le feeling. Dans les studios d'enregistrement, on a longtemps reproché aux boîtes à rythmes leur rigueur rythmique et leur difficulté à restituer un jeu en avant ou en arrière du temps, alors que bien souvent, c'est le rendu sonore qui en est la cause.

Par ailleurs, la pluralité des sons utilisables grâce à l'échantillonnage et aux nombres de kits disponibles chez les constructeurs, ainsi que les nombreux effets actuels présents sur le marché, permettent de nos jours, avec un minimum d'adresse, de produire « l'humanisation ». De même, il ne faudrait pas oublier tout ce que le mixage est capable d'apporter en jouant sur la combinaison des éléments sonores de la boîte à rythmes couplés à des effets comme le delay. Certes, toutes ses « manœuvres » techniques sont une façon de « noyer le poisson », mais c'est également une manière habile de donner à la boîte à rythmes des formes d'expression sonore que l'on ne soupçonne pas forcément !

par ELIAN JOUGLA (Piano Web - 01/2023)

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