HISTOIRE DE LA MUSIQUE : LES PIANISTES DE ROCK



RICHARD 'RICK' WRIGHT, INTERVIEW PINK FLOYD ET CARRIÈRE SOLO

Cette page fait suite à : RICHARD 'RICK' WRIGHT, BIOGRAPHIE/PORTRAIT DU CLAVIÉRISTE DES PINK FLOYD


De nombreuses chansons des Pink Floyd doivent beaucoup à ce musicien. Compositeur moins prolifique que ses complices Davis Gilmour et Roger Waters, Rick Wright sera toutefois l’auteur de belles musiques, notamment pour les albums Meddle , Dark Side of the Moon, Wish You Were Here et The Division Bell. Pianiste au jeu sobre et dépouillé de tout artifice, il sera classé au rang des 100 plus grands claviéristes de l’histoire du rock. L'interview qui suit a été réalisée en 1996 par Bernard Dobbeleer. Richard Wright évoque bien sûr les Pink Floyd, mais aussi la musique des années 60.


RICHARD WRIGHT ÉVOQUE PINK FLOYD

Wright est interviewé au moment de la sortie de son second album solo, Broken China. N’ayant visiblement pas l'habitude de ce genre de rencontre, Wright se montre mal à l'aise, mais demeure toutefois disponible et appliqué…

Les membres de groupes superstars ne remportent jamais le même succès en solo. Cette règle immuable ne vous a pas découragé ?

Richard Wright : c'est vrai, ça a été le cas pour Mick Jagger et pour Keith Richards. Même pour Mark Knopfler ! Ce qui est réellement étonnant, car il incarne Dire Straits à lui tout seul. Je pense que tout ça, c’est en rapport avec le business. Il est généralement admis dans le métier que si l'on vend 10 % en solo de ce que l'on vend avec son groupe. Mais c'est ainsi : quand Pink Floyd sort un nouveau disque, quelques millions de gens l'achètent sans même l'écouter. Le problème d'un album solo, finalement, c'est que peu de gens savent qu'il existe, car peu de gens l'entendent en radio. Dans mon cas, ce sera encore plus difficile puisque ma musique n'est pas une musique facile pour les radios.

Après "The Wall", vous avez quitté Pink Floyd. Que s'est-il passé exactement ?

Richard Wright : à l'époque de "The Wall" Roger Waters avait le pouvoir et nous ne nous entendions plus. Je n'ai donc pas vraiment eu le choix, j'ai dû quitter le groupe, ce qui ne m'a pas fait plaisir. Après ça, Dave, Roger et Nick ont fait l'album "Final Cut" qui n'a pas bien marché. Puis Roger est parti et lorsque j'ai appris que Dave et Nick enregistraient "Momentary Lapse of Reason", je leur ai proposé mes services. Je suis arrivé très tard pendant le processus d'enregistrement et je n'ai pas eu le temps d'apporter une contribution substantielle.

Les membres de Pink Floyd n'accordent pratiquement jamais d'interviews. Pourquoi cette discrétion ?

Richard Wright : quand Pink Floyd sort un disque, nous n'avons pas besoin de ça. Historiquement d'ailleurs, nous n'avons accordé d'interview qu'à titre exceptionnel. Notre manière à nous de faire la promotion a toujours été de donner des concerts. Comme il n'y a pas de tournée prévue cette fois, si je ne rencontre pas quelques journalistes, personne ne saura que j'ai sorti un album solo.

Contrairement à Dave Gilmour, vous ne faites jamais de sessions pour d'autres. Il y a une raison à cela ?

Richard Wright : on ne me demande jamais ! Je crois que mon style est trop spécifique, trop marqué par Pink Floyd. Et puis, je ne suis pas techniquement le meilleur claviériste du monde..

Est-ce que la technique n'a pas pris trop d'importance aujourd'hui ?

Richard Wright : la force de Pink Floyd réside plutôt dans l'imagination, dans les atmosphères, que dans la technique. C'est aussi pour cette raison que je ne fais pas beaucoup de sessions. Beaucoup de musiciens jouent mieux et plus vite que moi. Mais ma technique a beaucoup évolué depuis trente ans, celle de Dave également. Je considère le clavier plutôt comme un outil pour créer des atmosphères, des couleurs. Dans les sixties, quand nous avons débuté, le blues était à la mode et l'atmosphère était primordiale. Miles Davis disait que l'important n'était pas la note, mais le silence entre les notes.

Quel genre de musique vous passionne aujourd'hui ?

Richard Wright : j'aime beaucoup Talking Heads, Peter Gabriel, le jazz. Le dernier CD que j'ai acheté est l'album de R. E. M. En réalité, je n'écoute pas grand-chose d'actuel. Je devrais sans doute m'y intéresser plus. Ça doit faire quatre/cinq ans que j'ai décroché de l'actualité.

Êtes-vous au courant que la jeune génération ambient, dub et techno se réclame souvent de Pink Floyd ?

Richard Wright : oui, j'en ai entendu parler. D'ailleurs, ma maison de disques a proposé l'idée de soumettre deux extraits de mon album à des remixeurs de la nouvelle génération. Il s'agit de The Orb qui sont, m'a-t-on dit, de grands fans de Pink Floyd, et de William Orbit. Le résultat est intéressant et assez surprenant. Le remix de The Orb n'a rien à voir avec le morceau original : ils n'ont gardé qu'une partie de la mélodie ! Je dois avouer que je ne connais pas grand-chose dans ce domaine. C'est sans doute de la paresse de ma part, mais je n'ai pas vraiment le réflexe d'écouter la musique d'aujourd'hui. En revanche, j'aimerais beaucoup faire un "bon" album d'ambient, car ce que j'entends dans le genre ne me donne pas entière satisfaction.

Comment considérez-vous aujourd'hui les années soixante ? C'étaient des années magiques ?

Richard Wright : c'était à l'évidence une période importante. Je me souviens de ce que je ressentais à la fin des années soixante et c'était très excitant. Pas uniquement pour la musique : dans les arts, dans la politique, dans pratiquement tous les domaines, il y avait une pensée progressiste qui arrivait avec la culture hippie. Et je dois dire aussi avec la ‘drug culture’. Tous les groupes issus des écoles d'art arrivaient et on faisait bouger les choses. Je suis très heureux d'avoir connu cette période, car je sens que les gens qui ont actuellement entre 18 et 20 ans ne vivent pas la même excitation. C'était une période d'espoir, nous pensions que nous pouvions changer le monde. Ça se ressent aujourd'hui dans la musique de Pink Floyd, je pense. Mes enfants ont aujourd'hui entre 25 et 30 ans et, déjà quand ils étaient adolescents, ils me disaient qu'ils auraient rêvé de vivre cette période.

Mais tout n'était pas aussi beau que l'on croit, nous avons une mémoire sélective. Il y a eu aussi des tragédies. Ne serait-ce que celle de Syd Barret, qui a sombré dans la folie. La drug culture, quand on l'analyse avec du recul, était quelque chose de négatif. Timothy Leary - paix à son âme - avec son message pro-drogues a fait énormément de tort. C'était sans doute valable pour lui, mais d'autres n'ont pas eu la chance de s'en sortir. Bien sûr, globalement, les années soixante ont été une période de progrès dans tous les domaines et c'est ce qui les rend fascinantes. Et Pink Floyd était sûrement un des pionniers de cette liberté de créer. Je me souviens qu'à l'époque, les maisons de disques étaient très sceptiques quant à notre avenir et n'imaginaient pas que l'on pourrait faire des disques avec une musique pareille ! Ce sont ces gens qui venaient à nos concerts qui nous ont donné la force de continuer, car le business nous était totalement hostile.

Vous faites partie d'un des plus grands groupe de rock, vous êtes ce que l'on peut appeler une rockstar. Mais personne ne connaît réellement votre visage. C'est un choix délibéré ?

Richard Wright : je crois qu'il y a deux raisons à cela. La première est notre personnalité au départ. Contrairement à la plupart des gens qui font du rock, nous n'avions pas envie d'être des stars. Nous n'avions pas envie de devenir Rod Stewart ou Mick Jagger. Et puis aussi nous étions les premiers à développer les jeux de lumière sur scène. J'ai toujours trouvé agréable d'être dans l'ombre. C'est peut-être de la timidité, mais c'est aussi ce qui a fait la réputation du groupe : nous étions plus connus pour les effets spéciaux que pour nos images personnelles. Mon seul souvenir de "rock star", c'est quand nous avons fait 'Top Of The Pops" à la fin des années soixante. Nous avions un hit avec See Emily Play et subitement nous attirions les filles. Mais comme nous n'avons pas eu d'autre hit single par la suite, les filles se sont vite désintéressées de nous. Mais nous n'étions pas le seul groupe sans image : Grateful Dead ou Led Zeppelin n'étaient pas non plus des stars. Ni Nick, ni Dave, ni moi, et encore moins Roger, n'avions envie d'être des stars. La motivation de Liam Gallagher est sans doute différente : il a envie d'être Mick Jagger.



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