HISTOIRE DE LA MUSIQUE : LES PIANISTES DE ROCK
Richard Wright est un claviériste surtout connu pour avoir été l’un des piliers du groupe Pink Floyd. Présent dès la première heure, grâce à son approche toute personnelle dans le domaine des claviers électroniques, il va petit à petit imposer sa vision musicale. Grâce à lui, le rock psychédélique et très aventureux des débuts va laisser place à un rock progressif auréolé d’harmonies et de mélodies structurées.
© Capitol Records - Richard Wright (1971)
PINK FLOYD : THE GREAT GIG IN THE SKY
Cette composition écrite par Richard Wright est issu de l'album The Dark Side of the Moon
Richard Wright, c’est bien plus qu’un simple musicien accompagnateur. L’ambiance sonore si particulière des disques The Dark Side of The Moon, Wish You Were Here ou The Wall, est due en grande partie à ses interventions. En signant les musiques essentielles que sont Time, The Great Gig in The Sky ou Us and Them, Richard Wright a contribué très largement au succès populaire du groupe.
Au sein du quatuor, il était considéré comme la force tranquille, l’ange inspirateur, jusqu’au jour où des tensions éclatèrent entre lui et Roger Waters. Ce dernier réclamera alors avec fracas son départ. La création dominatrice de Wright n’était pas toujours bien vue. Sans être éconduit de façon officielle, le claviériste devint alors un simple musicien accompagnateur durant toute la tournée promotionnelle de l’album The Wall en 1979.
Pour Wright, ce revirement de situation, sans l’enchanter, se produit juste quelque temps après la parution de son premier album solo Wet Dream (1978). En ces temps incertains, le musicien a l’âme solitaire et des désirs d’aventures. Il profitera de cette opportunité qui s’offre à lui pour voyager avec toute sa famille à bord de son voilier en mer Egée. De cette marginalisation naîtra un groupe éphémère, Zee…
Quelques années plus tard, à la suite de litiges concernant la marque déposée ‘Pink Floyd’, Roger Waters quitte Pink Floyd. Les deux anciens compagnons de route que sont Mason et Gilmour acceptent alors l’idée de voir revenir Richard parmi eux. À cette époque, Wright pensait que l’aventure avec le groupe était belle et bien terminée. Cependant, malgré toutes les déconvenues liées au passé, rejouer au sein de Pink Floyd était pour lui une aubaine. Ces retrouvailles ne pouvaient que l’extraire d’un mode de vie devenu terne et sans horizon... "S’il a perdu un temps son chemin, ce n’était pas entièrement sa faute…", précisera un jour Gilmour. Son retour va coïncider avec des dates importantes, celles des derniers grands concerts, du Château de Versailles à Live 8.
Pour Gilmour, Wright était irremplaçable. Il n’était pas seulement un musicien génial, mais également un ami très cher. Wright, l’homme doux et modeste, savait mélanger les sons comme nul autre. Doté d’une voix aux accents soul, celle-ci savait porter au loin.
L’album Echoes sera le premier témoignage de l’accord vital entre un son et des machines électroniques, un accord qui va influencer toute l’école du rock planant allemand, de Tangerine Dream à Peter Baumann. Comment ne pas se souvenir également de The Great Gig in the Sky et de sa voix féminine qui, l’émotion suspendue aux lèvres, pousse le crescendo jusqu’au paroxysme.
Sur scène ou en studio, la sérénité de Wright contrebalançait les comportements plus vifs des autres musiciens. Lorsque le public l’ovationnait, c’était toujours pour lui comme une énorme surprise. Pourtant, sans sa présence, qu’aurait été le Pink Floyd que nous connaissons si bien ? Il y a bien sûr la guitare de Syd Barrett et celle de David Gilmour, la basse de Roger Waters et la batterie de Nick Mason, mais Wright, au lieu de déployer une technique instrumentale à toute épreuve, s’est toujours contenté, non sans intelligence, d’utiliser tous les ressorts de ses connaissances pour bâtir et construire un mur sonore inébranlable et très personnel.
C’est une démarche qui en vaut une autre et qui a eu le mérite de servir avantageusement le groupe. Grâce au travail conduit par Wright, les compositions du quatuor ont trouvé un équilibre et une esthétique sonore bien plus avantageuse. En quittant les territoires du rock underground de ses débuts, la musique des Pink Floyd s'est orientée vers une musique accessible au plus grand nombre.
Le compositeur Robert Wyatt (ex Soft Machine) n’était pas insensible à cet univers sonore et créatif. Il résume ainsi le travail conduit par Wright : "L'apport de Rick est très sous-estimé. Il a su créer des paysages et une atmosphère propice à l'événement… Mais il était trop modeste. See-Saw est une belle chanson ; écoutez-la et vous comprendrez à quoi servent les claviers."
Comme tout musicien, Wright avait des influences, notamment le blues, mais au sein des Pink Floyd, il se contentait le plus souvent de conduire de fantomatiques textures sonores. Piano acoustique, pianos électriques Fender Rhodes et Wurlitzer, orgues Farfisa et Hammond, Mellotron et clavinet, synthétiseurs Minimoog, Prophet 5 et Kurweil… la liste serait longue s’il fallait citer tous les instruments qu’il a utilisé en studio et sur scène. De plus, Wright ne se contentait pas d’être présent uniquement derrière des claviers, sur scène, il s’emparait parfois d’une guitare pour jouer quelques accords ; et s’il égrenait parfois quelques notes au vibraphone, il ne dédaignait pas non plus le trombone ou le saxophone, juste comme ça, pour le plaisir. Finalement, il agissait à la façon d’un musicien autodidacte, ce qu’il était quelque part.
Pourtant, malgré toutes ces dispositions quasi naturelles, ses interventions en soliste étaient toujours rarissimes. Les morceaux Atom Heart Mother, Echo, Shine On You Crazy Diamond ou Welcome to the Machine demeurent des exceptions... car côté démonstratif, Richard Wright c’est exactement l’antidote d’un Rick Wakeman ou d’un Keith Emerson. Il possédait l’arme absolue d’un jeu sobre et discret !
Quelque temps avant sa disparition, Pink Floyd s'était produit au complet avec Roger Waters à deux occasions, en 2005, lors du concert de charité du Live 8, et deux ans plus tard, lors du concert en hommage à Syd Barrett. Le décès de Wright a condamné une fois pour tout l’espoir de voir un jour le groupe se reformer. Sans avoir de remords, Pink Floyd ne sera plus Pink Floyd !