HISTOIRE DE LA MUSIQUE : LES PIANISTES DE JAZZ
Brad Mehldau, avant de devenir un pianiste de jazz émérite, est resté et reste encore aujourd'hui un grand amateur de musique de chambre. Le pianiste au look branché et au romantisme affiché possède un grand sens de l'improvisation. Adepte du mélange des genres, avec des improvisations influencées par Bill Evans et Keith Jarrett, Mehldau considère que rien n'autorise à classer les grands compositeurs classiques au-dessus de la musique populaire. Si le trio est sa formation de prédilection, il est capable de transcender sa technique pianistique lorsqu'il se produit seul au piano.
© Björn Milcke - Brad Melhdau (2001)
Brad Mehldau découvre le jazz à l'âge de 12 ans, dans une colonie de vacances. Parmi ses camarades, il y a un violoncelliste qui a apporté dans ses bagages un disque live de John Coltrane. My Favorite Things résonne alors pendant de longues minutes dans la chambre, comme dans la tête de Brad. Pour lui, c'est le déclic. Lors de son séjour dans l'école de musique classique de Boston, il ne peut résister à l'envie d'aller voir ce qui se passe à côté, dans la classe de jazz. Il commence à se passionner pour cette musique au point de retranscrire un solo de Curtis Fuller (Moment's Notice de Coltrane) : "Ceci m'a encore davantage ouvert les oreilles. Il est amusant, et un peu ironique, de constater que ma rencontre avec le jazz s'est déroulée dans un environnement plutôt consacré à la pédagogie de la musique classique."
Si Brad Mehldau pratique aujourd'hui le jazz sur les scènes internationales, il ne néglige ni "petite", ni "grande" musique. Depuis son enfance, il écoute les musiques pop et rock et c'est pour lui tout à fait normal et légitime de consacrer une partie de son répertoire aux reprises de quelques chansons populaires. C'est ainsi que le public peut entendre ses compositions et ses reprises de standards jazz se mêler à des chansons de Radiohead ou à celles des Beatles. Pour la nouvelle génération chez qui le jazz est synonyme de "musique pour grand-père", l'introduction de musique rock et de mélodie populaire rapproche Meldhau du jeune public.
BRAD MEHLDAU : PARANOID ANDROID
Le style de Brad Mehldau se caractérise par un goût prononcé pour l'improvisation "out", pourvu d'un lyrisme échevelé. Si en trio, sa main gauche répond à la main droite de façon discrète, elle devient volubile quand il s'agit de passer dans l'art du piano solo : "Je suis toujours en train de travailler sur la manière de jouer fort avec ma main gauche, mais de façon musicale, intelligente, avec intégrité. J'y travaille depuis des années."
Pour ses concerts en piano solo, Brad Mehldau possède un répertoire particulier se prêtant davantage à ce style, comme Paranoid Android de Radiohead ou Things Behind The Sun de Nick Drake. "Souvent, c'est dû à leur aspect formel. Ces chansons ne rentrent pas dans les thèmes, ni dans l'approche d'improvisation que j'ai avec le trio. Quand je travaille avec Jorge Rossy et Larry Grenadier, j'écris, j'arrange les titres et les leur apporte. Je fais des suggestions préliminaires, puis nous découvrons les choses ensemble. Les chansons se développent au moment où nous les jouons et changent beaucoup au cours des mois. J'essaie de ne pas trop leur donner d'ordres, car souvent les mots peuvent avoir un impact négatif sur la musique.", confie le pianiste.
Lors d'un concert en piano solo, Brad Mehldau prépare avec minutie la part qui revient à l'improvisation, bien qu'il précise que sa présence est de même importance que lorsqu'il joue en trio. Brad précise : "L'improvisation ne se fait pas de la même manière. La grosse différence, c'est que quand on joue seul, il n'y a aucune interaction avec qui que ce soit. Improviser en solo est aussi forcément plus intimidant, plus difficile, mais c'est plus gratifiant lorsque ça marche vraiment."
Seule la préparation du concert nécessite un certain travail en amont, pour améliorer l'interprétation. Jouer en solo, c'est pour le pianiste la liberté. C'est la possibilité d'être libre harmoniquement comme rythmiquement, alors qu'en trio la liberté est partagée. "Quand ça fonctionne bien, c'est quasiment de la télépathie. Et c'est cette télépathie que je recherche dès que j'écoute du jazz, c'est ce que j'aime là-dedans. Jouer seul implique une liberté plus solitaire, plus existentielle."
Si Brad Mehldau préfère se voir comme un artisan du clavier, que comme une star, son principal objectif est d'améliorer son interprétation, de pousser plus loin les limites de l'improvisation, histoire de continuer à marquer les gens… sans les ennuyer.