HISTOIRE DE LA MUSIQUE : LES PIANISTES DE JAZZ
BIen qu'il n'ait joué et enregistré avec Charlie Parker en 1947, et bien qu'il n'ait composé le standard de jazz Jordu, Duke Jordan a connu une période de relative obscurité avant de renaître dans les années 1970 grâce à ses disques chez Steeple Chase records. Pianiste imaginatif, talentueux et ancré dans le bop, il s'illustra notamment à son avantage dans les ballades.
DUKE JORDAN & CECIL PAYNE : JORDU
Duke Jordan étudie d'abord la musique classique, jusqu'à ce qu'il entende le travail de Teddy Wilson, son premier héros, pour qu'il se consacre lui-même au jazz. Par la suite, le pianiste Art Tatum aura aussi une certaine influence sur le musicien. Par ailleurs, Duke Jordan est sensible à l'univers de Duke Ellington, d'où son surnom de "Duke". Bien qu'il ait été célèbre pour avoir été dans le groupe de "Bird" (Charlie Parker), la carrière de Duke Jordan s'est diversifié durant les années 1950/1970 par de nombreuses expériences et rencontres enrichissantes. Il est considéré, aujourd'hui, comme un des grands pianistes de l'histoire du jazz américain.
Duke Jordan entame sa carrière en 1945, à l'âge de 23 ans avec Coleman Hawkins Orchestra et fait ses premiers enregistrements avec "The Floyd "Horsecollar" Williams Quartet". Par la suite, il passe une année dans le Roy Eldridge Orchestra, au cours de laquelle il commence à adapter le balancement typique et les innovations du pianiste Bud Powell à son propre style. Charlie Parker, après l'avoir entendu avec Roy Eldridge cette année-là, l'engage à rejoindre son propre groupe l'été suivant.
Dans la formation de Charlie Parker se trouve un certain Miles Davis. Or, celui-ci n'aimait pas la façon de jouer de Duke Jordan. Apparemment parce que, comme il l'explique dans son autobiographie "Miles", Duke Jordan aurait tenté de suivre "Bird" à plusieurs reprises dans son jeu "out", rendant les solos incohérents, provoquant un "capharnaüm" dans la section rythmique. Même s'il peut exister là, peut-être, une certaine vérité, Miles Davis est également connu pour ses exagérations à "noircir le tableau" envers les autres musiciens, même si ses jugements du "jeu de scène" ont sonné souvent juste par la suite. Reste les interventions brillantes de Duke Jordan dans Scrapple from the Apple et le sublime Embraceable You qui démontre les qualités presque parfaites de l'art d'accommoder le piano à la sauce "bop" en ballade.
Quand Parker décide de réorganiser son groupe à la fin de 1948, Duke Jordan rejoint le Stan Getz Octet, pour ensuite faire un bref séjour au sein de la formation Sonny Stitt / Gene Ammons (1950/1951) avant de retourner à nouveau chez Stan Getz (1952/1953). En 1954, Duke Jordan devient le leader d'un trio avec lequel il écrit et interprète Jordu, un classique de jazz qui depuis a été repris par tous les ténors du jazz de l'époque : Clifford Brown, Dizzy Gillespie, Bud Powell et Stan Getz.
Au cours des cinquante années suivantes, Duke Jordan forme un certain nombre de trios, quatuors et quintettes, souvent avec le saxophoniste baryton Cecil Payne, mais passent la majeure partie de la fin des années 50 et 60 comme un excellent "sideman". Il devient au début des années 1960 l'accompagnateur de son épouse, la chanteuse Sheila Jordan, avant de composer et d'enregistrer la musique d'un film français, Les Liaisons Dangereuses de Roger Vadim. Les morceaux Lost in the shuffle et Flight to Jordan deviennent de véritables chefs-d'œuvre pour la maison de disques Blue Note.
En 1973, Duke Jordan commence une longue association avec le légendaire label de jazz danois SteepleChase. Il enregistre d'excellents albums comme Flight to Denmark et Two Loves. Avec ces albums, Duke Jordan devient une étoile bien-aimée, une icône du jazz en Scandinavi, mais également en France comme au Japon. En revanche, aux États-Unis, dégoûté par le manque de spectateurs lors de ses concerts, Duke Jordan, en accord avec lui-même, décide en 1978 de s'installer à Copenhague pour y finir le reste de sa vie.