HISTOIRE DE LA MUSIQUE : LES PIANISTES DE JAZZ



FATS WALLER, BIOGRAPHIE DU GRAND SPÉCIALISTE DU PIANO STRIDE

Grand pianiste, Fats Waller a renouvelé le stride de Harlem. Il a introduit l’utilisation de la main gauche en assise rythmique à la main droite. Il reprendra de nombreuses chansons à la mode, souvent des rengaines populaires, qu’il transformera avec une ironie corrosive. Fats aimait les improvisations vocales qu’il entonnait de sa voix grave et rieuse. Il sera également un pionnier dans le domaine de l’orgue jazz et un prolifique compositeur, dont le répertoire continue, soixante-dix ans après sa disparition, de nourrir l'imaginaire des générations suivantes.


LES DATES IMPORTANTES DE LA VIE DE FATS WALLER

© Alan Fisher - Fats Waller (1938)

  • 1904 – Thomas Wright Waller, dit Fats Waller, est né à New York, le 21 mai 1904. Il apprend l’harmonium et le piano en suivant son père, un fervent prédicateur.
  • 1919 – À 15 ans, Fats gagne un prix au cours d’un tournoi amateur, en interprétant Carolina Shout.
  • 1920 – Il enregistre avec le pianiste et chef d’orchestre Fletcher Henderson, précurseur de l’ère des big bands et le tromboniste Jack Teagarden. Par la suite, Fats Waller participe à différentes comédies musicales dont Hot Chocolate.
  • 1922 – Fats collabore avec différentes chanteuses, notamment avec Bessie Smith. Il s’associe avec Andy Razaf, auteur de chansons à succès.
  • 1929 – Il forme et dirige son propre groupe, les "Fats Waller and his Buddies".
  • 1934 – Il connaît un grand succès avec la création du groupe "Fats Waller and his Rhythm".
  • 1943 – Il meurt des suites d’une pneumonie dans un wagon-lit du Santa Fe Chief Train, le 15 décembre 1943, à Kansas City, dans le Missouri.

FATS WALLER, PORTRAIT D'UN PIANISTE GAI ET SENSIBLE

Originaire de virginie, Fats Waller s’installe avec sa famille à New York. Dès l’âge de six ans, il découvre le piano grâce à une voisine avant de suivre quelques cours. L’adolescent accompagne régulièrement son père au temple durant les services religieux, c’est là qu’il découvre l’harmonium, un instrument auquel il restera attaché durant toute son existence. Très rapidement, l’enfant progresse et finit par jouer du piano dans son école publique, et à l'âge de 15 ans, il devient organiste au théâtre Lincoln dans la 135e rue où il accompagne quelques films muets.

Son intérêt pour le piano ne cessant de grandir, la famille finit par acquérir un piano. Décidé à progresser, Fats suit alors des études auprès du pianiste et compositeur polonais Leopold Godowsky et à la Juilliard School. Son père avait le vague espoir que son fils suive, tout comme lui, la voie religieuse, plutôt que de se lancer dans une carrière artistique, mais la mort de sa mère en 1920 va précipiter les événements… Entre son père et le fils Waller, les points de vue diverges et Fats finira par quitter le domicile familial à l’adolescence.

Parallèlement à ses études, le jeune Fats découvre la vie nocturne de Harlem avec ses boîtes, ses night-clubs. Grâce au pianiste Russell BT Brooks, ami de la famille, il rencontre James P. Johnson. Waller est admiratif devant son jeu pianistique. Johnson, le 'roi du piano stride', va prendre sous son aile Fats et l’aider à parfaire cette musique alors très en vogue. Très rapidement, le jeune Fats démontre son aisance et sa facilité à déjouer les pièges tendus par le style. Il n’y a aucun doute, le jeune pianiste est doué. Son jeu est déjà subtil et nuancé. Avec Willie « The Lion » Smith et James P. Johnson, Fats Waller va devenir l'un des trois grands du piano stride, un style pianistique très technique qui demande beaucoup d’entraînement au-delà même de la virtuosité.

Fats Waller trouve rapidement sa place dans le milieu professionnel. Le bouche-à-oreille faisant le reste, sa notoriété ne va pas cesser de grandir. Le pianiste est invité à se produire dans les nombreux clubs de New York, mais également dans des « rent parties » (soirées privées).

Après avoir travaillé avec Fletcher Henderson, Waller réalise en 1922 ses premiers enregistrements en tant que soliste pour Okeh avec des titres comme Muscle Shoals Blues et Blues Binningham. Pour la QRS Company, il gravera aussi quelques rouleaux pour piano mécanique avant de devenir accompagnateur de plusieurs chanteuses de blues : Maude Mills, Sara Martin, Alberta Hunter… Seulement, Fats, qui ne souhaite pas devenir uniquement un excellent pianiste ou voir sa carrière se dérouler comme simple accompagnateur, désire inscrire à son répertoire quelques œuvres personnelles… En 1919, Wild Cat Blues et Squeeze seront les premières d'une longue liste de compositions écrites par le pianiste.

En 1924, Fats Waller qui a seulement 20 ans est déjà un artiste reconnu. Lorsqu’il se lie d’amitié avec le poète et parolier Andy Razaf, c’est une longue collaboration qui commence. Ensemble, ils vont écrire des comédies musicales pour Broadway (dont Keep Shufflin en 1928, Load of Coal et Hot Chocolates, l’année suivante) dans lesquelles surgiront quelques courtes pièces devenues aujourd’hui célèbres : Black and Blue, Honeysuckle Rose, Ain’t Misbehavin’… Fats Waller est un compositeur prolixe, puisqu’il signera pas moins de 450 compositions. Whiteman Stomp, Crazy Bout My Baby, Stealing Apples (1927) avec l’orchestre de Fletcher Henderson, mais également I’ve Got a Feeling I’m Falling (1929), Blue Turning Grey Over You (1930), Jitterbug Waltz (1942).

Le jovial Fats Waller n’oublie par l’orgue, son instrument fétiche. Sur les disques Victor, il enregistre quelques solos d’orgue dont les morceaux St. Louis Blues et Lenox Avenue Blues (1926). Sa carrière se diversifie en enregistrant avec différents orchestres : Morris's Hot Babes (1927), Fats Waller's Buddies, une des premières formations multiraciales (1929), Ted Lewis (1930), Jack Teagarden (1931), Billy Banks's Rhythmakers (1932) Sa célébrité le conduit à se produire au Carnegie Hall en 1928. Là, il redevient un pianiste soliste en interprétant la fantaisie pour piano et orchestre, Yamekraw.

Dans les années 1930, sa popularité en tant que pianiste, compositeur et chanteur est immense. En mai 1934, commence une série d’enregistrements avec le petit groupe qu’il a formé "Fats Waller and his Rhythm". Avec cet orchestre, il sillonne les États-Unis et grave des dizaines et des dizaines de titres. Le cinéma fait appel à lui. En 1935, Waller apparaît dans deux films : Hooray for Love ! et King of Burlesque.

En 1938, Fats Waller entreprend sa première tournée européenne. Ses apparitions en public déclenchent les rires et la bonne humeur tant sa personnalité est explosive. C’est à Londres qu’il enregistre sa London Suite. La suite est composée de six pièces pour piano solo : Piccadilly, Chelsea, Soho, Bond Street, Limehouse, et White Chapel. C'est la plus longue composition de Waller. Le pianiste aspire à devenir un compositeur sérieux plutôt que d’être seulement l'auteur de quelques chansons à succès. Malheureusement, le destin va frapper…

Au début de 1943, il retourne à Hollywood pour participer au film Stormy Weather avec Lena Horne et Bill Robinson (dont il a dirigé un all-star band avec Benny Carter et Zutty Singleton). Fats Waller doit aussi faire face à une année particulièrement chargée. Aux voyages, à l’abus d’alcool et aux problèmes de santé s’ajoutent ceux des pensions alimentaires. L’amuseur public, qui n’était jamais à court d’un gag, n’était pourtant pas un modèle d'équilibre dans la sphère privée. Le bon « Fats » était las de son image d'amuseur public. Il en souffrait. Seuls les proches savaient que derrière le clown se cachait un pianiste d'une grande sensibilité. Son généreux embonpoint ne pouvait dissimuler, aux yeux de certains, les graves fêlures qu’il connut tout au long de sa courte existence, depuis une adolescence perturbée jusqu'à sa mort soudaine qui survient après un concert, sur la côte Ouest à Hollywood, à la salle Zanzibar, à bord du train qui devait le reconduire à New York. Fats Waller devait mourir d’une pneumonie le 15 décembre 1943. Il n'avait pas encore quarante ans.


FATS WALLER : HONEYSUCKLE ROSE

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FATS WALLER, UN EXTRAORDINAIRE TALENT

Le vrai jazz de New York se trouvait à Harlem. Un élève de James p. Johnson commençait à faire parler de lui, Thomas « Fats » Waller. Sa technique était parfaitement adaptée à son style. Son puissant jeu de main gauche, solidement charpenté, soutenait des développements exactement équilibrés entre la ligne mélodique, toujours chantante, et l’architecture harmonique, sobre, solide et efficace.

Tout jeune, il apprit à jouer de l’orgue, dont il devint le premier grand spécialiste (ses successeurs, seuls instrumentistes capables de s’en servir comme jazzman, seront Count Basie, Jackie Davis, Bill Dogett, Milt Buckner et Jimmy Smith). À ce titre, le disque Fats at the Organ est remarquable. En s’accompagnant « économiquement », il y chante humoristiquement ou avec recueillement des spirituals qui comptent parmi ses meilleures prestations : Halleluyah, I’m a bum (dont la fin est amusante quand de sa voix Fats s’écrie : « Halleluyah again : encore, again, once more » ; le mot encore surgissant comme un gag peut être considéré comme un break verbal générateur de swing) Go Down, Frankie and Johnny, Moses

Pendant un temps, il accompagna en tournée Bessie Smith et joua à Chicago aux côtés de Louis Armstrong. Puis, il fit partie de l’orchestre de Fletcher Henderson avant de commencer à enregistrer sous son propre nom en 1927, d’abord des solos de piano, puis, à partir de 1934 jusqu’à sa mort, à la tête d’un petit orchestre de cinq musiciens.

Mis à part ses tout premiers disques et des faces en grand orchestre, qui ne sont pas les meilleures de sa production, l’ensemble de 'Fats and his Rhythm', fut pendant neuf ans composé à peu près des mêmes musiciens. Les plus importants furent Herman Autrey, violent, mais incohérent et pourvu d’une sonorité assez désagréable, puis Bugs Hamilton, bien préférable, à la trompette, Al Casey, à la guitare qui jouait presque uniquement en accords, Gene Sedric, musicien solide au saxophone ténor et à la clarinette et Farry Dial, puis Slick Jones à la batterie.

Avec ce sextette, il enregistra près de trois cents faces, dont plus de la moitié sont d’un réel intérêt. La plupart des morceaux sont des chansons commerciales, mais Fats, en jovial rabelaisien, les a, pour les paroles, tournées en ridicule avec un humour irrésistible et, pour la musique, transformées en œuvres de jazz vivaces et violentes.

Le jazz chez Fats Waller, c’était une mise en place exemplaire, rigoureuse. Son souple jeu des deux mains, son sens très juste et simple de l’harmonie, son swing réconfortant et son humour dilatant ne sont qu’un aperçu de son immense talent. Certains morceaux ne sont que des gâteries populaires, tandis que d’autres sont de long et beaux solos de piano.

Fait curieux, ce pianiste exemplaire n’a pratiquement pas eu de descendance directe, mis à part le pianiste Ralph Surton et d’une certaine manière Count Basie. Comme humoriste, le saxophoniste alto, chanteur et excellent showman Louis Jordan, l’a perpétué avec bonheur. Dans le style rhythm and blues, il a trouvé un personnage de sa taille physique en « Fats » Domino. Comme pianiste, seul Erroll Garner a conservé l’équilibre de la construction wallérienne et, dans une moindre mesure, Jaki Byard ou Ray Bryant.

(source A. Francis - Jazz - Ed. Solfèges)

Par ELIAN JOUGLA




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