HISTOIRE DE LA MUSIQUE : LES PIANISTES DE JAZZ
Pianiste originaire de Montréal (Québec), Oscar Peterson est un pianiste au swing communiquant. Sa technique pianistique de grande qualité n'est pas sans rappeler celle d'Art Tatum. Oscar Peterson a très tôt trouvé sa voie, son style propre. Que ce soit en trio ou en solo, il montre toujours de façon presque naturelle sa virtuosité légendaire. Son œuvre abondante et diverse est impressionnante. Il a joué avec quasiment tous les grands artistes de jazz de son époque.
© wikiwand.com - Oscar Peterson et Niels-Henning Ørsted Pedersen, Montreux Jazz Festival, 1979
S'il commence le piano grâce à sa sœur Daisy qui lui enseigne les rudiments de l'instrument, avec Lou Hooner qui lui apporte les bases de la technique, la rencontre avec Paul de Marky, pianiste classique d'origine hongroise, est pour lui le point de départ à son engagement dans la musique. Ce professeur lui enseigne "la technique et les doigts rapides", mais surtout, l'aide à croire en son talent exceptionnel.
Cette technique "miraculeuse" provient tout droit de la tradition pianistique de Franz Liszt, celle d'une tradition purement classique. Plus tard, les "experts" détecteront dans le jeu d'Oscar Peterson des influences impressionnistes et romantiques. En 1950, un critique du Toronto Dally Star fera observer que sa version de "Tenderly" doit beaucoup à Debussy et Ravel dans ses harmonies et son "Little White Lies" à des échos certains de Rachmaninov.
Ce mélange de classique et de jazz, de technique traditionnelle et d'improvisation, contribue à forger le style unique qui fait d'Oscar Peterson le virtuose que l'on connaît et qui, durant plusieurs décennies, va épater les foules du monde entier, de Montréal à Calgary ou de New York à Tokyo. C'est donc à force de détermination et de talent pur qu'il a réussi à s'élever au titre de plus grand musicien de jazz canadien de l'histoire.
On peut considérer son style comme le produit d'une période de transition dans le jazz. Passant du stride, du middle jazz au be-bop avec une certaine aisance. Le compositeur et pianiste argentin Lalo Schifrin déclarait : "Oscar est un vrai romantique dans le sens du XIXe siècle, avec en plus la tradition afro-américaine du jazz du 20e siècle. Il est un virtuose de premier ordre.", rajoutant : "Cette impression est courante. Seuls Phineas Newborn et le regretté Art Tatum (l'une de ses idoles et mentors), l'ont égalé sur ce point. Il possède un don pour le swing instantané que Tatum n'a jamais égalé."
Lors d'un mauvais soir, s'il retombe dans des phrases facilement identifiables issues de son propre vocabulaire musical et pour quelques-unes empruntées à d'autres, ces phrases elles-mêmes peuvent être électrisantes avec des passages brillants, clairs et parfaitement équilibrés, avec de grands accords plaqués au parfait endroit alors que la main gauche joue des dixièmes sans effort et pourrait, je suppose, s'il le voulait, jouer des douzièmes, étourdissants passages en octave où la main gauche est aussi habile que la droite.
Très jeune, Oscar Peterson remporte un concours d'amateurs animé par Ken Soble, personnalité de la radio à Montréal et à Toronto. Puis en 1941, il est en vedette de l'émission Rhythm Time à la station radiophonique CBM et, en 1945, il se produit au réseau national de la SRC aux séries Light Up and Listen et The Happy Gang. Son premier trio (1948) est composé d'Austin Roberts, à la contrebasse et de Clarence Jones à la batterie en alternance avec Ben Johnson à la guitare.
L'art du trio d'Oscar Peterson est marqué par le boogie et le bop naissant, mais comme pour Erroll Garner, Oscar Peterson est un musicien difficilement classable, son jeu se trouve à cheval entre l'école du middle jazz et celui du moderne. Son style exceptionnellement brillant et virtuose est un amalgame habile de ceux d'Art Tatum, George Shearing et Milt Buckner. La facilité avec laquelle il enchevêtre chacun de ces styles donne une grande diversité à son jeu et montre ses qualités d'adaptation et d'intégration aux différents courants du jazz.
C'est lors d'une invitation à un concert organisé par l'impresario Norman Granz que sa carrière démarre aux États-Unis. Sous le contrôle de Granz, il constitue en 1951 un trio (piano, guitare, contrebasse) qui allait rapidement se hisser parmi les meilleurs de l'époque et sa version de Tenderly est particulièrement populaire.
Si la plupart des groupes montés par Peterson sont issus des États-Unis, il n'hésite pas à faire appel à des Canadiens comme sidemen : les contrebassistes Michel Donato, Steve Wallace et David Young, les batteurs Terry Clarke, Jerry Fuller, Stan Perry et Ron Rully, ainsi que le guitariste Lorne Lofsky.
Oscar Peterson effectue des tournées en Europe en 1952, 1953 et 1954 avec le Jazz at the Philarmonic (JATP) et ensuite en trio, souvent en compagnie de la chanteuse Ella Fitzgerald. En 1958, il modifie l'effectif de son trio, optant pour le piano, la contrebasse et la batterie. Dès 1950, la montée de sa popularité se reflète par sa position en première place dans la catégorie piano sur Down Beat *.
Peterson joue dans de nombreux festivals européens de jazz, notamment celui de Montreux, où plusieurs des concerts auxquels il participe (de 1975 à 1977) à titre de leader ou de sideman sont enregistrés. Des enregistrements sont également effectués lors de concerts à Tokyo, Amsterdam, Paris, Londres ou New York. De 1967 à 1971, il enregistra surtout à Villingen, en Allemagne de l'Ouest, pour Saba.
OSCAR PETERSON TRIO : CARAVAN
Tout au long de sa carrière, Oscar Peterson a fait du Canada son pays de résidence, vivant à Montréal jusqu'en 1958, pour passer ensuite à Toronto où il ouvre avec Ray Brown (b ) et Ed Thigpen (bat) et Phil Nimmons, l'Advanced School of Contemporary Music qui, durant ses trois années d'existence, attire des étudiants en jazz des quatre coins de l'Amérique du Nord. Le personnel enseignant est complété par Erich Traugott (trompette), Butch Watanabe (trombone) et Ed Bickert (guitare). Pendant cette période, quatre volumes de ses Jazz Exercises and Pieces for the Young Jazz Pianist sont publiés et font référence. Oscar Peterson ne laissera pas tomber pour autant l'enseignement qu'il retrouvera en 1985, en tant que professeur adjoint à l'Université York.
Voici quelques-unes des compositions les plus représentatives du style "Oscar Peterson"...
Parmi ses autres œuvres pour groupe de jazz figurent : Blues for Big Scotia, The Smudge, Hallelujah Time, Bossa Beguine, Tippin, Mississauga Rattler, A little Jazz Exercise, Samba Sentive. Certaines parties de ses suites, comme Nigerian Marketplace ( tiré de l'African Suite) sont jouées et enregistrées comme pièces indépendantes.
Pour le grand écran, il a écrit et enregistré Blues for Allen Felix M., qui fait partie de la trame sonore de Play It Again Sam de Woody Allen (1972). Peterson a également composé de la musique pour The Silent Partner qui reçoit un Canadian Film Award, en 1978.
Peterson a gagné des Grammy Awards pour la meilleure prestation de jazz en solo ou en groupe pour : The Trio en 1975, The Giants en 1978, Oscar Peterson Jam at Montreux '77 en 1979 et Jousts en 1980. Le CD Live at the Blue Note lui vaut des prix Grammy dans les deux catégories en 1990.
Devenu officier de l'Ordre du Canada en 1972, il est élevé au rang de compagnon en 1984. Il reçoit le Diplôme d'honneur du CCA en 1975, avant d'être nommé membre honoraire du Conseil canadien de la musique en 1978. En 1989, la France le fait officier de l'Ordre des arts et des lettres. En 1991, en plus d'être nommé chancelier de l'Université York, Peterson devient chevalier de l'Ordre national du Québec et reçoit un Toronto Arts Award, prix reconnaissant les réalisations de toute sa vie. Il a commencé à déposer ses documents personnels à la Bibliothèque nationale du Canada en 1991.
* Down Beat : magazine américain dévoué au jazz. Il récompense chaque année les artistes les plus en vue par catégorie ou par style.