LEÇON GRATUITE
Lorsqu'on débute au piano, comme sur n'importe quel autre instrument, on est rapidement mis en déroute par le rythme : problème de mise en place, de compréhension des différentes figures rythmiques ou bien d'indépendance entre la main droite et la main gauche. Cette leçon vous propose d'aborder, sous différents angles, le problème délicat du rythme.
Il est difficile de savoir comment est apparu le rythme. L'homme primitif a-t-il été inspiré par le rythme de ses pieds, au cours d'une longue marche sur la piste ? La périodicité d'un geste de travail a-t-elle créé en lui un écho dans le domaine des sons ? La prise de conscience est-elle arrivée par instinct ou en étant à l'écoute de la nature ? Ou bien, bondissant de joie autour d'une proie chèrement conquise, a-t-il découvert dans la régularité de ses détentes musculaires une volupté qui lui a révélé le principe de la danse et du rythme ? S'il a heurté ses paumes en cadence, est-ce pour donner du relief à ses essais chorégraphiques ou pour encourager ceux de son entourage ?
Autant d'interrogations et de problèmes insolubles soulevés parmi les spécialistes, encore aujourd'hui sans réponse.
Si les bas-reliefs, les sculptures et les peintures nous apportent quelques révélations sur la vie sociale des hommes dans l'antiquité la plus reculée, si, sur toute la surface de la terre, les peuples qui s'ignoraient faisaient au même instant les mêmes découvertes musicales en inventant à peu près les mêmes instruments, rien ne nous a été apporté par nos ancêtres sur la naissance du rythme.
L'écriture musicale proche de celle que nous connaissons aujourd'hui est apparue après le Moyen Âge, après bien des interdits et des bouleversements idéologiques. Elle est devenue rapidement pour les compositeurs un moyen "intellectuel" pour repousser les limites de la pensée. Il y a peu encore, le rythme était considéré par les compositeurs comme un accessoire de second plan, privilégiant les écritures mélodiques, les recherches harmoniques et les orchestrations savantes. L'arrivée des rythmes jazz au début du 20e siècle a bouleversé la vision, la conception et l'inspiration de nombreux compositeurs classiques : Stravinsky, Milhaud, Gershwin... les rythmes modernes étaient nés.
En écrivant un rythme, nous radicalisons sa vie, nous le structurons suivant un concept mathématique de division du temps par 2 (système binaire) ou par 3 (système ternaire). Par là même, nous éradiquons le côté instinctif du rythme qui est relié à la vie, au côté naturel.
Si vous écoutez les chants des oiseaux ou des insectes dans la nature, vous vous apercevrez que leurs expressions sont simples ou bien complexes et que leurs cadences rythmiques sont parfaites. D'ailleurs, le compositeur Stravinsky avait été sensible à cette écoute naturelle des sons et s'en était inspiré dans ses compositions.
Le plus difficile pour nous est donc d'apporter aux figures rythmiques écrites une liberté d'exécution la plus naturelle possible sans nous éloigner de l'original. Nous devons ressentir une sorte de détachement de soi face au rythme pour le maîtriser et l'intégrer. La liberté dans le rythme n'est pas due à une sorte de hasard, ni réservée à des êtres privilégiés d'un don surnaturel. Il existe bien sûr des personnes plus sensibles que d'autres à la perception rythmique. Il faut, je crois, aimer avant tout le rythme.
Pourquoi le rythme est-il une des matières musicales les plus difficiles à comprendre et à restituer ?
Comprendre et saisir un rythme est une tâche bien plus difficile que d'avoir à lire des notes sur une portée. Cela demande certaines qualités, notamment de l'attention et de la perception.
Trop fréquemment, les professeurs abordent les contraintes de son apprentissage avec maladresse ou avec superficialité, de peur de décourager et de faire fuir leur élève.
Le rythme écrit répond à des divisions du temps par 2 (croche), 3 (triolet), 4 (double-croche), 6 (sextolet), etc. Hélas, nous n'avons pas dans nos têtes un tic tac qui résonne et qui nous raccorde par un lien magique à l'univers des tempos rythmiques... sinon, que ferions-nous de cet objet si redoutable qu'est le métronome ? De plus, la musique ne se contente pas de l'interprétation d'un rythme bien carré... il faut lui apporter la vie... c'est-à-dire le rendre vivant en l'interprétant.
La plupart d'entre vous ont déjà entendu une boîte à rythmes. Que remarquez-vous ? Le tempo ne bouge pas, il est immuable pendant une durée ininterrompue.
En musique moderne, il faut se rapprocher le plus possible de cette pulsation robotique, mais sans excès ou si vous préférez sans trop de rigueur, sinon votre jeu d'instrumentiste risque de perdre toute "chaleur humaine", ce qui rendrait la musique rigide et froide (sauf pour les musiques composées volontairement dans ce sens avec l'utilisation de machines électroniques : boîte à rythmes, séquenceurs).
Vous devez ressentir la pulsation, le tempo comme une respiration intérieure que vous portez en vous plus qu'elle ne vous transporte (risque d'accélération ou de ralentissement du tempo). Vous devez avoir un sentiment de liberté face au rythme.
L'exécution d'un rythme passe par plusieurs phases, à savoir :
SUITE : MES PREMIERS RYTHMES ÉCRITS
Par ELIAN JOUGLA
- SOMMAIRE DES LEÇONS GRATUITES -