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L’INTERPRÉTATION AU PIANO D’UN MORCEAU DE MUSIQUE

Lorsque l’on est face à une partition, la première des obligations est de lire les notes, de traduire le rythme et d’utiliser un doigté correct et pratique. Une fois les difficultés techniques surmontées, place est donnée à l’interprétation. L’observation des écritures et des indications portées sur la partition deviennent ses révélateurs, mais encore...


LA QUESTION DE L’INTERPRÉTATION

Face à la partition, tôt ou tard, on est amené à se poser la question de l’interprétation. Quelle était la vision du compositeur ? Quelle décision prendre devant tel ou tel passage ? Plus fort ou moins fort, legato ou non ? etc. Toutes ces interrogations conduisent à déterminer personnellement le caractère de l’œuvre.

Cependant, tenter de répondre à de telles questions n’est envisageable qu’à la seule condition d’avoir une idée précise des sentiments que l’on cherche à transmettre. De plus, cette évidence ne saute pas toujours aux yeux dès lors que la partition est avare d’indication, ce qui est souvent le cas avec les partitions « modernes » (chanson, jazz…).

Face à l’interprétation, il est donc important de se poser les bonnes questions, et plutôt dans le bon ordre ! La première pourrait être : Ne faut-il pas posséder un minimum de culture de la musique que l’on cherche à interpréter ? Et si oui, l’ai-je ? Quant à la seconde, si elle était : Est-ce que la musique que je cherche à interpréter correspond bien à ma personnalité ? Et si oui, ai-je assez de maturité musicale pour déjà entrevoir son caractère et ses particularités ?

Vous devez savoir que la partition écrite n’interdit pas une certaine liberté ; l’interprétation peut même posséder une lecture inattendue capable de surprendre son auditoire. À titre d’exemple, de nombreux enregistrements laissés par le pianiste Glenn Gould peuvent être traduits comme une suite de quête introspective, une recherche d’identité artistique que le musicien a poussée jusqu’au-boutisme. Glenn Gould n’est certes pas le seul à avoir entrepris une telle démarche, mais il a réussi à démontrer que l’interprétation ne devait certainement pas rimer avec académisme. À sa façon, il a fait bouger les lignes dans un monde musical, le classique, où le conservatisme l’emporte bien souvent sur l’audace.

Sachez aussi que les interprétations fluctuent en fonction de l’époque et de ses tendances. La musique n’est pas qu’une question de technique, de rapport de force et de vérité absolue. Fort heureusement ! Fil conducteur pour le musicien, une bonne interprétation repose nécessairement sur une démarche créative où l’imaginaire et la sensibilité ont leur place.


QUELQUES INDICATIONS DE PREMIÈRE NÉCESSITÉ...


DÉFINIR LE STYLE DU MORCEAU

Le style du morceau est-il rattaché à un style précis ? Rondo, marche ou menuet ? Si le morceau appartient au répertoire classique, il repose généralement sur des conventions et des règles. Celles de Satie ne seront pas les mêmes que Mozart. Question d’époque et de transgression autorisée.

Il existe également des styles à l’intérieur de chaque répertoire de musique. La musique contemporaine n'est pas en reste. Dans la musique jazz, vous trouverez de nombreuses sous catégories : jazz latin, jazz funk, swing, etc. L’indication est habituellement portée en en-tête du morceau. Mais il est vrai que la compréhension du style est beaucoup plus évasive (permissive) que dans le répertoire classique. Le recours à une interprétation audio sera d’autant plus nécessaire si l’on cherche à respecter l’œuvre dans sa version originale.


L’EXPRESSION

On peut rendre une mélodie plus expressive quand on introduit de subtiles nuances dans le phrasé. L’expression sera conduite par la structure de l’œuvre, son lien avec l’harmonie et la métrique. L’expression conduit à se poser de multiples questions :

  • Le morceau suggère-t-il une personnalité, un tempérament particulier ?
  • Quel est le caractère général de l’œuvre ?
  • Est-on face à une chanson, à une musique purement instrumentale, à une musique d'accompagnement ou à une musique de danse ?
  • Quel est son aspect dramatique ?
  • La musique est-elle liée à un côté narratif ?
  • Existe-t-il des points culminants dans le déroulement de l’œuvre et où sont-ils ?

Ces quelques questions démontrent déjà toute l’importance de la place prise par l’écriture de la partition et la compréhension de sa lecture.

Les partitions classiques ne sont généralement pas avares de signes et d’abréviations. Autant les comprendre et s’en servir comme autant de pistes censées nous aider. Nous avons mis en ligne la totalité de ces indications et leur signification dans ce lexique : Les nuances musicales


L’INTERPRÉTATION DES MAINS ENSEMBLES

Deux points importants à souligner :

1 - LA COMPLEMENTARITÉ : quel que soit le style de l’œuvre, pour un pianiste, la main droite et la main gauche sont complémentaires. La main gauche n’est pas une main secondaire ou d’appoint. Les deux mains s’harmonisent de différentes façons. Par exemple, dans les fugues de Bach elles se répondent. Parfois, elles se chevauchent ou se croisent : tandis que la main gauche joue au centre du clavier, la main droite ira jouer quelques notes dans le grave en passant par-dessus la main gauche.

2 - LES NUANCES DE JEU ENTRE LES DEUX MAINS : elles ont une importance cruciale dans bien des morceaux. Généralement, on accorde une dynamique plus grande à la main droite du fait qu'elle favorise la mélodie. Mais cette approche ne doit pas être systématique. Il ne faut pas trop accorder d’attention aux idées toutes faites, surtout en musique !

Il est évident que la voie royale du piano consiste à faire valoir dans ses œuvres ses qualités polyphoniques. Depuis des siècles, les compositeurs ont exploré les différentes façons d’aborder l’opposition/complémentarité des mains, le rôle polyphonique attribué à chacune d’entre-elles, les nuances et le jeu legato, non legato ou piqué sur tel ou tel doigt, etc.

Une vie ne suffirait pas pour aborder toutes les facettes de l’instrument. Le piano n’est pas l’instrument roi pour rien, car il place aussi en son centre une visibilité de l’harmonie sans pareil. Son utilisation dépasse le cadre même du pur pianiste, puisque les violonistes, trompettistes ou guitaristes n'hésitent pas à poser leurs doigts dessus quand il s'agit de composer.


OBSERVATION D’UNE PARTITION CLASSIQUE

L'extrait de la célèbre Marche Turque de Mozart ci-dessus va servir d’exemple. Cliquer sur la partition pour l'agrandir

Généralement, en musique classique, le titre de l’œuvre est déjà en soi une indication. Ici, le titre n’est pas lié au tempo (trop élevé pour un rythme de marche classique), mais dans le côté très rythmé et cadencé de l’écriture. Comme dans de nombreuses œuvres de jeunesse, Mozart a un fort penchant pour une mélodie dominatrice. Côté interprétation, il faudra donc la placer bien en évidence. Elle devra être tout à la fois brillante, légère et enjouée.

Quelles sont les informations dont nous disposons ?

C’est un allegretto, le tempo sera donc d'une grande vivacité. À cela s'ajoute une indication encore plus précise : la noire cadencée à 132.

NB : Sachez que cette dernière donnée n’est nullement obligatoire. En effet, le terme allegretto, bien que moins précis, aurait suffi (consulter : Le métronome, fonctionnement et utilisation)

Le tempo, s’il ne donne pas d’indication directe sur la façon d’interpréter La marche turque, apporte toutefois une information utile sur le plan technique. L’observation des premières mesures nous montre une succession de croches surmontées de doubles-croches à la main opposée, ce qui signifie que l’interprétation demande des doigts agiles, et si nous ajoutons à cette observation la présence de notes piquées (mesures 5 à 8 en comptant l’anacrouse du départ), nul doute que Mozart cherche la légèreté. L’indication « Gai, décidé et très rythmé » tombe donc sous le sens.

Côté nuances, nous commençons piano pour progressivement atteindre, via un crescendo, un forte à la 5e mesure, lui-même rompu par un piano au temps suivant. De même, nous observons que le développement de la mélodie est en deux parties : la première correspond aux notes liées (les quatre premières mesures) et la seconde aux notes piquées (les quatre mesures suivantes).

Mozart joue sur la dynamique (p à f) et sur le tempo pour apporter à la ligne mélodique son aspect décidé : ligne mélodique qui laisse éclater sa gaieté quand les notes piquées surviennent.

À l’opposé, la musique écrite pour main gauche est construite à travers des figures rythmiques répétitives et piquées sur 2 temps (le rythme à 2 temps étant celui de la marche).

L’ensemble doit être joué carré, sans ralentissement d’aucune sorte. Il faudra également bien faire ressortir les gruppettos.

La partition ainsi "démontée" par une simple suite d'observations apporte à l'interprète des indications générales précieuses. Bien évidemment, c’est au moment où l’on pose ses doigts sur le clavier que tout se joue, se noue et se dénoue. Mais ça, vous l'aviez certainement déjà compris !

Par ELIAN JOUGLA

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1 - ARRANGEMENT
2 - ÉVEIL MUSICAL
3 - HARMONIE
4 - IMPROVISATION
5 - PIANO ET TECHNIQUE
6 - RYTHME
7 - SOLFÈGE/THÉORIE
8 - PROGRAMMATION & LOG.
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