HISTOIRE DE LA MUSIQUE ET DES INSTRUMENTS



UN CLAVIER EXPRESSIF APPELÉ PIANO-FORTE

À Florence résonnent encore aujourd’hui les airs qui hier faisaient sa renommée. Incontournable centre des arts placés sous le règne du prince et mécène Ferdinand III de Médicis au 17e siècle, la capitale de Toscane devait donner le « La » d’une révolution musicale dans le domaine des claviers…


LA CRÉATION DU PIANO-FORTE

Ferdinand III de Médicis aimait les plaisirs mondains, mais pas seulement. Il portait un regard compatissant et admiratif envers les artistes, notamment les peintres et les musiciens. Ce grand amateur d’art avait demandé au peintre Bartolomeo Bimbi de réaliser de grands tableaux pour habiller ses différentes villas médicéennes, tandis que côté musique, il avait introduit à la cour grand-ducale les compositeurs Haendel et Scarlatti.

Ferdinand III était un bon musicien et il avait entendu beaucoup parler d’un inventeur mélomane, Bartolomeo Cristofori. Cherchant à avoir à son service une personne qualifiée pour veiller au bon état de sa collection d’instruments de musique, le Prince décida de l’engager...

À gauche, Ferdinand III de Médicis (peint par Niccolò Cassani en 1687) et à droite Bartolomeo Cristofori (peint en 1726)

L’année de son arrivée, en 1688, la ville de Florence vit dans un bouillonnement culturel permanent. Des discussions et des échanges entre intellectuels et savants ont lieu et concernent l’évolution des instruments à clavier. À la fin du 17e siècle, on joue encore des sonates sur des instruments à cordes pincées, et les épinettes et clavecins sont alors les emblèmes de la musique baroque.

Des voix s’élèvent et réclament que les claviers puissent avoir désormais des caractéristiques communes aux instruments expressifs, comme les instruments à cordes. Dans le but de faire progresser la science musicale, il devenait impératif que les nuances comme le 'crescendo' et le 'diminuendo' puissent être jouées sur des instruments à clavier, puisque ces effets étaient impossibles à réaliser sur le clavecin ou l’épinette.

Cristofori est alors chargé d’y réfléchir et, au crépuscule du 17e siècle, il crée un prototype pour faire évoluer le clavecin. Sa principale idée repose sur un changement en profondeur du mécanisme et de son action sur les cordes. Ainsi, celles-ci ne sont plus pincées, mais frappées dans l’intention d’étendre le spectre des sonorités. L’idée est géniale et séduit, car elle dessine toutes les caractéristiques de ce qui va devenir un piano.

Pour obtenir un tel résultat, à la place du sautereau destiné à pincer les cordes, Cristofori utilise donc des marteaux qui viennent frapper les cordes et les mettent en vibration. Alors que l'effet s’arrête une fois que la touche est relâchée grâce à l'étouffoir, l'autre élément important du mécanisme - que l’on appellera plus tard l’échappement - est de permettre, une fois la touche enfoncée, de ne pas laisser le marteau au contact de la corde pour qu'elle puisse résonner. Le principe mécanique du pianoforte venait de naître.


UNE MISE EN ROUTE LABORIEUSE

L’instrument est certes révolutionnaire en permettant de jouer « piano » et « forte », toutefois cette avancée technique indéniable n’est pas du goût de la plupart des musiciens. Les oreilles des claviéristes d’alors ne sont pas encore familiarisées à ces sons nuancés qui réclament une nouvelle approche technique pour livrer toutes leurs subtilités. Le son est moins cristallin et moins aigu que celui du clavecin, moins précis également. L’autre problème rencontré, et non des moindres, est l’absence de répertoire pour ce nouvel instrument. Cristofori dû se rendre à cette évidence : il avait inventé un instrument pour lequel il n’existait pas de musique qui lui était destinée. De fait, cette ébauche du futur piano moderne devait rester confidentielle un certain temps.

© Shriram Rajagopalan - Le pianoforte de Cristofori (modèle 1720) exposé au Musée de Florence (Italie)

L’histoire de l’instrument allait rebondir quelques mois plus tard, quand le croquis italien de cette invention allait parvenir à un facteur allemand du nom de Gottfried Silbermann. Celui-ci décide de le produire et de l’améliorer quelque peu, mais une fois perfectionnée, l’instrument a encore du mal à convaincre, si bien que le jour où il est présenté officiellement pour la première fois à l’illustre compositeur Jean-Sébastien Bach en 1736, celui-ci trouve le son de l’instrument pas du tout à son goût, estimant que le pianoforte est trop difficile à jouer. Le compositeur allemand dira même qu’il préférait jouer sur son clavicorde, un instrument beaucoup plus proche du clavecin qu'il ne l'était du pianoforte.


UNE RECONNAISSANCE TARDIVE

Bartolomeo Cristofori ne connaîtra jamais le succès de son instrument révolutionnaire. Amélioré après sa mort en 1731, le pianoforte s’impose comme une référence chez les claviéristes qui finissent par admettre ses capacités à nuancer les sonorités. L’instrument ouvre alors de nouvelles perspectives.

Cet engagement était dû à sa sonorité devenue plus transparente et porteuse d’une dynamique plus élevée que le prototype de Cristofori, tout en n’atteignant pas celle des pianos actuels. Cependant, les basses sont claires et les aigus ténus.

Le pianoforte ainsi peaufiné, les grands compositeurs vont alors ne plus jurer qu’à travers lui : Mozart, Beethoven… Plus tard, devenu « le piano », l’instrument à clavier subira encore d’autres améliorations, comme le double échappement ou l’augmentation de sa tessiture.


LODOVICO GIUSTINI  'GIGUE DE LA 6e SONATE EN SIb MAJEUR' (pianoforte : Dongsok Shin)
Cette gigue de Lodovico Giustini (1685-1743) est interprétée sur le premier piano survivant connu, réalisé par l'inventeur de l'instrument, Bartolomeo Cristofori (1655-1731), à Florence. Cette sonate est l'une des premières pièces à avoir été composée spécifiquement pour l'instrument.

Vis-à-vis du piano que nous connaissons aujourd’hui, Mozart, Beethoven, Schubert (et même plus tard Chopin ou Liszt) ne jouaient ni ne composaient avec un piano qui avait les mêmes caractéristiques de sonorité et de toucher. Cette précision est d’autant plus importante qu’elle a joué un rôle certain sur leur créativité, leur inspiration et le développement de leur technique.

Le piano moderne ne peut dès lors refléter correctement l’esprit d’une musique qui n’est pas de notre époque, mais qui de plus n'absorbe pas les défauts et les limites sonores imposées par le pianoforte. C’est pour cette raison que certains interprètes de musique classique cherchent à jouer de nos jours sur des instruments d’époque (ou en fac-similé) pour retrouver un jeu et un timbre plus en symbiose avec les sentiments perçus par les compositeurs des 18e et 19e siècle.

Par PATRICK MARTIAL (Piano Web - 12/2021)

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