PÉDAGOGIE



1er VOLET : DE L’IMPORTANCE DU GESTE TECHNIQUE AU PIANO

« Il n’existe pas de mauvais exercices, il existe seulement des exercices mal appliqués ou inadaptés à la situation. » Cette phrase résonnera certainement à de nombreux pianistes qui se sont efforcés d’améliorer la souplesse, la dynamique ou la puissance musculaire de leurs mains.


TOUT EST UNE QUESTION DE DOIGTÉ !

À l’âge du biberon, les mains ne sont qu’un prolongement du désir à tenir un objet et à s’en servir. Les gestes ne deviennent acquis (et automatiques) dès que le désir est en adéquation avec les mécanismes articulaires qui permettent de manipuler la « chose ».

Il est important de rappeler cela, d’une part parce que notre conscience, si légère, nous fait rapidement oublier nos gestes quotidiens, et d'autre part, parce que contrairement à ce qui vient d’être dit, le rapport qui nous lie à l'apprentissage d'un instrument – et par extension à toute forme d’art – est totalement neuf d'instant en instant. Ce constat nous porte à réfléchir autrement sur chaque nouveau geste technique qui se présente. Dans ce sens, la pratique instrumentale ne peut être que bénéfique pour nous y contraindre et nous obliger à y penser sérieusement.

En musique, l’acquisition d’un geste technique précis oblige à revoir le comportement intuitif, voire irréfléchi. Une forme de « domestication » doit se mettre en place. Rarement naturel au départ, chaque geste technique (ou chaque position particulière liée à l'instrument) doit devenir un automatisme correspondant à un palier. Une fois acquis, de sa parfaite intégration surgit souvent une apparence trompeuse, l’illusion d’une facilité qui conduit parfois à se relâcher. Dès lors, une mise en garde est toujours nécessaire de la part de l'enseignant ; un instrument travaillé correctement étant toujours soumis à des règles précises qu’ordonnent sa pratique quotidienne.

D’autre part, il existe un « monde » entre l’utilisation gestuelle et technique d’un violon, d’une guitare, d’un piano ou d’une batterie. Il ne servirait à rien de comparer leur propre exigence ou de les opposer, d’autant que fondamentalement, la simple rotation du poignet qu’exige la tenue d’une baguette de batterie, la force d’appui des doigts sur les cordes d’une guitare, ou encore le poids de la main qui vient frapper les touches d’un clavier n’ont rien de semblable ni d’approchant.

La main et les doigts sont les premiers à être mis en cause ; les premiers à être responsables de nos difficultés quotidiennes sur l'instrument. L’ensemble produit un « mécanisme articulé » d’une telle complexité qu’il fait parfois reculer les chirurgiens s'ils doivent opérer. Les possibilités anatomiques de la main sont assez incroyables (rotation du poignet, détente et élasticité des doigts) et expliquent en grande partie toute la difficulté qui incombe à un enseignant de savoir transmettre dans les formes les bons gestes, et justes ceux-là !


LA PERCEPTION DU BON GESTE

Avant de tenir un instrument de musique, un enfant doit d’abord percevoir les gestes de sa main. Il est facile d’observer chez des enfants en bas-âge leurs maladresses à tenir un petit objet, même rudimentaire. Placé plus tard dans le contexte du musicien qui doit tenir correctement un violon ou être assis face au piano avec les mains comme ceci et pas comme cela, on comprend immédiatement que certaines conditions doivent être remplies.

Si la pratique d’un instrument exige un minimum d’attention et de concentration, elle exige surtout de détenir des conditions anatomiques pour en jouer ne serait-ce qu’un peu et pas trop mal. Généralement, un enfant jusqu'à 3/4 ans se représente la main comme une « image ». Chez lui, les cinq doigts de la main ne sont pas vraiment indépendant. Le pouce et l’index dominent tandis que les autres doigts constituent un bloc compact servant à serrer et à maintenir. Ceci explique en grande partie toute leur difficulté à les faire bouger indépendamment sur un instrument comme le piano (le plus difficile étant l’annulaire – même plus tard).

Fort heureusement, en grandissant – à un âge où l’école primaire débute – l’enfant parvient à articuler les doigts de ses mains de façon plus indépendante, d’où sa sensation de mieux percevoir des gestes et des manipulations qu’il ignorait encore. Ses perceptions nouvelles construites sur le discernement doivent bien sûr s’accompagner d’un éveil adéquat qui, ne l’oublions pas, est toujours variable d’un enfant à un autre. Ceci implique aussi que l’enseignant soit particulièrement bienveillant quand il se trouve en face d'un enfant qui arrive tout juste à tenir un crayon ou un pinceau correctement.


FACE AU TRAVAIL INSTRUMENTAL

Quand un enfant décide d’étudier un instrument de musique, il est obligé de se plier aux exigences de l’instrument, de sa taille, de son poids et de la contrainte physique qu’il demande pour en jouer. Cette simple phrase explique bien des choses. La pratique instrumentale conduit inévitablement le futur musicien, quel que soit son âge, à certaines obligations pour progresser : sacrifice du temps passé, abnégations de soi (parfois/souvent), sans compter certaines dispositions naturelles pour lesquelles il est difficile de se soustraire comme la souplesse (articulaire) et l’endurance physique (souffle pour les instruments à vent, extensions, position statique prolongée, gestes techniques répétés, etc.).

L’un des objectifs du travail technique doit normalement conduire le pianiste, le violoniste ou le guitariste à avoir des mains plus agiles pour, en retour, espérer exécuter des traits techniques difficiles avec plus d'assurance. Nous pourrions dire aussi que les mains sont le « terminal du geste », qu’elles sont le prolongement du bras et des épaules.

Ouvrons une petite parenthèse concernant le piano…

La conscience d’avoir le bon geste au bon moment ne relève pas uniquement de la dextérité des mains, ce serait trop simple ! Contrairement à un violoniste ou un guitariste, un pianiste ne maintient pas l’instrument tout contre lui, mais devant lui, tout comme le batteur. Cette différence de prise en main a l’air insignifiante, pourtant, elle est très significative du point de vue technique. En effet, le violoniste et le guitariste sont en mesure de ressentir bien mieux toute la transmission physique de chaque geste en maintenant l’instrument qui fait corps avec eux. Le pianiste, à cause de sa position assise, le buste droit, les bras ballant et à bonne distance de l’instrument, ne peut pratiquement compter que sur ses doigts qui viennent au contact des touches pour « goûter » au contact physique.

Apprendre et ressentir la portée de chaque geste de son corps autre que ses mains sont pour le pianiste comme une impasse pour laquelle il n'existe pas de codes. C’est pour cette raison qu’une grande partie de l’apprentissage du clavier se concentre sur la morphologie des mains (taille, souplesse...) et la « lourdeur » des touches ; deux paramètres qui peuvent fournir au pianiste quelques explications crédibles à la réussite ou à l'échec d'une difficulté technique.

Pour autant, si les mains sont le prolongement du corps, et si celui-ci est à l’aise, l’apprentissage de l’instrument est généralement facilité. Les différentes articulations misent à contribution, détendues, offrent alors plus de souplesse. Ce « lâcher-prise » demande bien évidemment un accompagnement précis, une éducation gestuelle approfondie que seuls de bons enseignants peuvent conduire. Dans ce domaine, la précipitation n’est jamais bonne conseillère, pas plus que le résultat prétendument apporté en quelques cours par quelques méthodes trompeuses. Il est de la plus haute importance que chaque geste technique - même les plus simples - soit évalué en prenant tout le temps nécessaire.

Pour un enseignant, l’observation au cas par cas (et non collective, faute de soulever des injustices flagrantes) d’un passage technique permet de relever les différents handicaps de l’élève. La prise de conscience du travail de chaque geste doit s’installer progressivement en fonction de l’acquis. Les « exercices techniques » à pratiquer doivent toujours être des exemples valorisants, visant à maintenir « à flot » le désir d’étudier plutôt que d’enfermer l’élève dans une spirale infernale sous prétexte que ce qui a réussi à l’un est nécessairement utile à l’autre. C’est en ignorant cet aspect écrasant d'une certaine pédagogie - encore trop répandu et souvent lié à l’idée de performance - que de nombreux enfants (et adultes) abandonnent tôt ou tard l'étude de la musique.

Par ELIAN JOUGLA


SUITE. 2e VOLET : EXERCICES D’ÉCHAUFFEMENT DES DOIGTS, SPÉCIAL MUSICIEN


À CONSULTER

HAUTEUR ET DISTANCE FACE AU PIANO


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