MATÉRIEL DE MUSIQUE



PROTÉGER SON PIANO FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Ne dit-on pas : « Mieux vaut prévenir que guérir  » ? Face aux pics de chaleur à répétition, à la sécheresse ou au froid, le piano subit comme d'autres instruments de musique les assauts du climat. Comment alors éviter d'éventuels dégâts provoqués par de brusques changements de température et d'hygrométrie ? Faisons le point sur les causes éventuelles et les précautions à prendre.


À LA RECHERCHE D'UNE TEMPÉRATURE CONSTANTE

Avant toute chose, il est capital de préciser que la dégradation de l'état d'un piano repose sur différents facteurs qui ne présentent pas de lien entre eux. Chaleur, froid, humidité, sécheresse possèdent individuellement une ou plusieurs conséquences bien connues des facteurs d'instruments et accordeurs de pianos. Par contre, le plus inquiétant provient des variations de température extrêmes et brutales, car elles laissent en suspens certaines hypothèses que le manque de recul ne permet pas toujours d'envisager avec raisons.

Face aux phénomènes climatiques extrêmes, tous les instruments ne sont pas logés à la même enseigne, mais globalement, ceux qui dépendent de matériaux nobles comme le bois, sont plus sensibles aux chocs thermiques et au taux d'hygrométrie. C'est pour cette raison que la constance d'une température évite bien des problèmes mécaniques. Bien évidemment, la dégradation de l'instrument ne survient pas du jour au lendemain. Elle se produit parfois si lentement qu'il arrive que son possesseur s'en aperçoive qu'au moment où l'intervention d'un facteur d'instruments devient nécessaire : corde qui casse, touche qui reste enfoncée, piano qui conserve mal l'accord (chevilles), par exemple.

© Ricardo Martínez González (pexels.com)

Le souci avec le piano, c'est que l'instrument est composé certes de bois, mais également d'une multitude de pièces en cuivre, en acier, en fonte, sans oublier le feutre, le plastique, en remplacement de l'ivoire pour les touches, et la finition laquée ou à base de polyester. Si tous ces matériaux réagissent différemment avec la température et l'humidité, le plus important est de garder à l'esprit que chaque composant interagit sur l'autre pour constituer une longue chaîne portant sur le résultat final, mécanique et sonore.


FACE À LA CANICULE

Jusqu'à présent, les canicules de ces dernières années n'ont pas suscité d'inquiétudes particulières, même chez des instruments réputés fragiles comme le violon ou la guitare. Malgré les étuis et les housses de protection, le violon et la guitare endurent des chocs thermiques lors de déplacements et leurs utilisateurs adoptent généralement des dispositions pour éviter que le bois ne se fende ou que le vernis ne soit attaqué par chaleur extrême.

Tous les indicateurs météorologiques ne se ressemblent pas, et si nous prenons l'exemple d'une canicule accompagnée d'un air trop sec, le bois va se contracter et conduire à des tensions extrêmes sur les parties et les surfaces de contact collées, ce qui, dans le pire des scénarios, entraînera des fissures.

Le piano est face à deux dilemmes : un assaut des températures et de l'humidité lié à l'air ambiant de la pièce où il est installé, et le second par manque de précautions lié à des méconnaissances. Ainsi, est-il nécessaire de préciser qu'il ne faut en aucun cas exposer le piano (ou tout autre instrument) directement aux rayons du soleil, où pire derrière une fenêtre qui agira comme une loupe ? Pour altérer rapidement le vernis et le plastique des touches, c'est le plus sûr moyen ! Éviter aussi de placer le piano à côté d'un radiateur fait partie des conseils élémentaires.

Toutefois, un utilisateur avisé en valant deux, à la question : « Mais où l'installer quand on dispose de peu d'espace ?  ». Je répondrai qu'il faut faire contre mauvaise fortune bon coeur et agir en conséquence en acceptant un compromis minimisant les risques. Contrairement à la guitare et au violon, ce qui est rassurant avec le piano, c'est qu'il demeure généralement sur place. Une fois que l'on a correctement étudié la pièce avec ses avantages et inconvénients, un diagnostic régulier auprès d'un professionnel (une fois par an) permet d'éviter ou de repousser d'éventuels problèmes dus aux pics de chaleur.

© Steve Johnson (pexels.com) – Une touche qui ne remonte pas n'est jamais bon signe !


L'HUMIDITÉ, UN TAUX À SURVEILLER

Le pire ennemi pour le piano n'est pas tant une température élevée ou basse, car même si les saisons sont parfois bousculées, le grand froid ou la forte chaleur n'arrivent pas du jour au lendemain. On peut s'y préparer. Néanmoins, dans les cas où la température froide s'accompagne d'une trop faible humidité et à l'inverse quand elle est élevée avec un taux d'hygrométrie important, le piano est en souffrance. La dégradation de son état dépendra du facteur d'absorption et d'évacuation de chaque matériau, donc de sa réactivité et de sa résistance à supporter dans la durée de tels faits.

N'oublions jamais : le bois est une matière « vivante  » !

Sur un piano, le bois est partie prenante, ses fluctuations à absorber l'humidité dépendent avant tout du climat et du lieu où il est installé, en altitude ou en bord de mer.

À chaque taux d'hygrométrie, ses conséquences. Une trop faible humidité peut occasionner des fêlures. Les cellules du bois, devenues sèches, perdent de leur résistance naturelle (dans la nature, un bois sec casse plus facilement qu'un bois humide, qui aura tendance à se plier avant de rompre). À l'inverse, face à un taux d'humidité extrêmement élevé, le bois va tenter de l'absorber, ce qui étire sa structure cellulaire.

Les variations d'humidité auront des conséquences directes sur la table d'harmonie, et comme celle-ci est stratégique pour maintenir la tension constante des cordes, il en résultera, à la suite de la contraction et de l'étirement du bois, une accélération de la dégradation de l'accord. Face à un piano convenablement entretenu, mais qui se désaccorde trop vite, nous détenons là une information capitale qui soulève l'hypothèse que l'instrument est peut-être situé à un endroit qui ne lui convient pas.

L'idéal est un taux d'hygrométrie stable se situant entre 40 et 60 %, ce qui est difficile à obtenir l'hiver dès que l'on chauffe excessivement une maison (le chauffage ayant tendance à assécher l'air ambiant). L'été, la climatisation a, elle aussi, ses propres revers. L'idéal pour conserver un taux le plus constant est d'utiliser dans un premier temps un hygromètre (petit appareil électronique qui évalue le taux d'humidité relative) et dans un second temps un humidificateur d'air pour accroître son niveau si l'humidité de la pièce est trop sèche.

Une météo capricieuse entraîne des variations climatiques importantes, mais aussi des vents plus ou moins chargés en humidité. En automne, à cause de sa charge humide, le vent du sud provenant de la Méditerranée ou celui d'ouest issu de l'Océan Atlantique seront d'autant plus sensible sur l'état de votre piano qu'ils dureront, alors qu'en été, un vent chaud et brûlant aura pour conséquence de faire chuter le taux d'humidité. L'accord aura alors tendance à baisser.


EN CONCLUSION

Il ne faut pas sous-estimer la répercussion des canicules sur l'état d'un piano. Faut-il le répéter ? La dégradation, si elle existe, est généralement insidieuse, parce que très lente, sournoise. Un piano a besoin d’un entretien régulier. L'exigeance serait de dire : « À chaque saison ! », sachant que chaque révision mise en œuvre et pratiqué correctement détient toujours des limites dans le temps.

Par le passé, du moins en France, zone du globe dite tempérée, l'instrument a déjà résisté à des hivers rigoureux et aux fournaises estivales. Pourquoi alors s'alarmer face au phénomène des canicules ? Par crainte de l'avenir ou par responsabilité envers l'instrument ? Dans les années futures, qu'en sera-t-il des arbres, de leur croissance et de la texture du bois à travailler ? Les conséquences visibles agiront comme des alarmes, mais ne sera-t-il pas déjà trop tard pour s'en préserver ?

Derrière sa robustesse apparente, l'instrument conserve toujours une fragilité relative. Et si la tenue d'accord demeure le principal baromètre pour le particulier, les facteurs d'instruments prennent quand même en considération les conséquences encore inconnues du réchauffement climatique ; signe des temps sur lequel toute méditation peut se révéler profitable.

par ELIAN JOUGLA (Piano Web – 05/2023)


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