HISTOIRE DE LA MUSIQUE : LES PIANISTES DE JAZZ



CHUCHO VALDES BIOGRAPHIE/PORTRAIT D'UN GÉANT DU PIANO JAZZ CUBAIN

Chucho Valdés est la grande figure du piano jazz cubain. Pianiste, arrangeur et compositeur, lauréat de plusieurs Grammy Award, Chucho Valdés n'est pas qu'un musicien à la virtuosité et à la technique époustouflante, c'est également un pianiste qui aime mélanger les genres. Avec lui, son 'jazz latino' s'habille de funk, de salsa et même de classique quand le pianiste puise son inspiration dans quelques réminiscences héritées d'un Claude Debussy ou d'un Jean-Sébastien Bach…


LES DATES IMPORTANTES DE LA VIE DE CHUCHO VALDES

© Carlos Delgado - Chucho Valdés & The Afro-Cuban Messengers (concert 'Teatro Circo Price' - Madrid, Espagne - 2014)

  • 1941 - Jesús 'Chucho' Valdés est né le 9 octobre 1941 à Quivicán, Havane. Son père Bebo Valdés est un pianiste et compositeur cubain et sa mère, Pilar Rodriguez est chanteuse et professeur de piano.
  • 1944 - À l'âge de trois ans, il joue au piano les mélodies qu'il entend à la radio. Grâce à ses parents musiciens, Chucho découvre très tôt de nombreux genres de musique.
  • 1946 - À l'âge de cinq ans, il reçoit ses premières leçons de piano et apprend la théorie et le solfège avec le professeur Boufartique Oscar Muñoz. Il entre ensuite au conservatoire municipal de musique de la Havane.
  • 1955 - Après avoir terminé les études musicales du conservatoire, il perfectionne ses connaissances auprès des musiciens Zenaida Romeu, Rosario Franco, Federico Smith, et apprend la composition avec le pianiste Leo Brouwer.
  • 1956 - À l'âge de 15 ans, il forme son premier trio jazz avec Emilio del Monte (batterie) et Luis Rodriguez (contrebasse).
  • 1957 - Chucho Valdés réalise son premier engagement professionnel dans la formation de Elio Revé.
  • 1958 - Il travaille comme pianiste accompagnateur dans des hôtels de la Havane (le Deauville et le Saint-John Hotel).
  • 1959 - Il joue dans l'orchestre de son père 'Sabor de Cuba' et côtoie de nombreux chanteurs cubains comme Fernando Alvarez, Pio Leyva et Rolando Laserie.
  • 1961/1963 - Chucho Valdés travaille comme pianiste dans l'orchestre du Teatro Marti, puis joue au Salón Internacional del Hotel Habana. C'est durant cette période qu'il se produit avec son premier combo jazz, le Grupo Instrumental de Música Cubana qui comporte dans ses rangs le saxophoniste Paquito D'Rivera et le guitariste Carlos Emilio Morales. Plus tard, le chanteur Amado 'Guapachá' Borcelá viendra rejoindre la formation (1965), un chanteur de premier plan qui a ouvert de nouvelles orientations dans le chant cubain.
  • 1964 - Chucho Valdés enregistre son premier album, Jazz Nocturno (Descarga vol. 1), avec son combo (préambule de ce que sera le futur groupe Irakere).
  • 1966 - La cinéaste Sara Gómez tourne un documentaire sur le Combo de Chucho avec Guapachá.
  • 1967 - Ses expériences au sein du Orquesta Cubana de Música Moderna, dirigé par Armando Romeu et Rafael Somavilla, lui permet de consolider ses connaissances et ainsi d'acquérir une importante maturité musicale pour de futures directions d'orchestre.
  • 1970 - À l'occasion de sa prestation au Jamboree International Jazz Festival de Varsovie, Chucho Valdés est félicité par le pianiste Dave Brubeck qui voit en lui un pianiste novateur, capable de révolutionner le jazz latin. Pour certains musiciens, il est déjà considéré comme l'un des plus grands représentants du piano jazz moderne avec Bill Evans, Oscar Peterson, Herbie Hancock et Chick Corea. À la tête de son quintette, ce festival est pour lui l'occasion rêvée d'interpréter une nouvelle version de sa composition fétiche Misa Negra (ce titre trouvera par la suite d'autres habillages sonores dont une version symphonique en 1971).
  • 1972 - enregistrement de l'album Jazz Bata avec Carlos del Puerto et Oscar Valdés.
  • 1973 - Chucho Valdés fonde le groupe Irakere, qui devient rapidement le chef de file du jazz cubain à la Havane. Irakere est un mélange explosif de différents courants musicaux allant du jazz au rock en passant par la musique traditionnelle cubaine. Cette formation aura un impact important sur l'histoire de la musique latine. Ses ambitions créatives se révéleront à travers quelques œuvres marquantes comme Bacalao con pan, Tema de Chaka et Shaka Zulu enrichi d'un orchestre symphonique.
  • 1980 - Le groupe Irakere est la première formation cubaine à recevoir un Grammy Award.
  • 1986 - Chucho Valdés se lance dans des enregistrements en piano solo, avec des œuvres de Cervantés et Jiménez.
  • 1991 - Lors de la tournée européenne de Irakere, le pianiste se produit en solo au Ronnie Scott. Des titres comme Isanusi, Nandy et Felia sont enregistrés.
  • 1997 - Chucho Valdés est nommé 'Docteur Honoris Causa' de l'Université Victoria, au Canada. La même année, il accompagne la chanteuse Omara Portuondo pour son disque Desafios et forme un quartette composé de jeunes musiciens d'où sortira un disque intitulé Bele Bele En La Habana.
  • 1998 - Il travaille avec sa sœur Mayra Caridad Valdés et impose en parallèle son talent de pianiste soliste à travers de nombreux concerts. Depuis déjà quelques années, Chucho Valdés enseigne comme professeur titulaire à l'Instituto Superior d'Arte de Cuba et dans de nombreuses universités du monde entier (Canada, États-Unis, Angleterre…).
  • 2004 - Chucho Valdés ouvre un club de jazz à la Havane, le Irakere. Egalement amateur de musique classique, notamment Claude Debussy, le pianiste réalise quelques apartés à sa carrière en se produisant avec des orchestres symphoniques.
  • 2006 - Chucho Valdés est nommé Embajador de Buena Volontad de la FAO (Ambassadeur de bonne volonté de l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture).
  • 2008 - Il joue à Londres, à Paris, mais également en Turquie, au Portugal, en Grèce et au Liban en compagnie du pianiste Michel Legrand. En Espagne, il participe à la tournée promotionnelle de son dernier disque Juntos Para Siempre enregistré avec son père Bebo qu'il retrouve pour l'occasion. (le disque recevra en Espagne un Music Award dans la catégorie jazz).
  • 2009 - Il enregistre avec la chanteuse Concha Buika l'album El Ultimo Trago, en hommage à la chanteuse mexicaine Chavela Vargas et se produit devant 12 000 personnes au Cathedral Plaza de la ville de Panamá. L'année 2009 voit la naissance d'une nouvelle formation, Chucho Valdés and the Afrocubans Messengers, composée notamment de Juan Carlos Rojas, Yaroldis Abreu, Lázaro Rivero, Reinaldo Melián et Carlos Miyares.
  • 2010 - À Cuba, Chucho Valdés donne un récital au Teatro Roldán avec notamment des œuvres de Chopin pour le bicentenaire de la naissance du compositeur.
  • 2011 - Chucho Valdés est nommé Docteur honorifique au collège de musique de Berklee, à Boston, États-Unis.

CHUCHO VALDES, UN ARTISTE GÉNÉREUX

Le pianiste Chucho Valdés est un géant, dans tous les sens du terme, aussi bien physiquement - sa stature de 1,94 m ne passant pas inaperçue sur scène - que musicalement, son jeu navigant dans des états d'âmes aussi divers que les musiques qu'il explore. Que sa musique se pare de mélodies glamours ou d'envolées harmoniques aux frontières du free jazz, Chucho Valdés offre toujours à ses auditeurs le meilleur de lui-même. Sa musique sophistiquée, soignée est sans limites. Le pianiste ne s'interdit rien, qu'il soit entouré de vétérans ou de jeunes recrues, chaque expérience, chaque formation repoussent encore plus loin son extraordinaire talent.

Dans la famille Valdés, tout le monde ou presque porte un regard attentionné sur la musique. Outre ses parents, le frère de Chucho a étudié la trompette, tandis que sa sœur, Mayra Caridad, est chanteuse et dirige à l'occasion des chorales. Quant à ses fils, ils ont appris le piano et les percussions. Pour Chucho, la famille est importante, centrale et il se doit de conserver envers elle une certaine disponibilité, aussi, retourne-t-il à Cuba dès que ses obligations professionnelles le lui permettent.


CHUCHO VALDES : CARIDAD AMARO

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Chucho Valdés possède un esprit frais et jeune. Ses tenues scéniques 'branchées' cachent un âge avancé qui disparaît aussitôt que ses doigts se posent sur le clavier. Il ne manque pas également d'humour quand il esquisse un pas de danse ou quand il est pris d'un tremblement d'épaules lorsque le batá, les orishas se mettent à appeler les divinités de la santeria afro-cubaine. Sa générosité est grande et comme tous les grands artistes qui se respectent, il apporte des espaces de liberté aux musiciens qui l'accompagnent. Quand sa jeune sœur Mayra entre sur scène, si sa musique se plie à quelques facilités commerciales, Chucho conserve toujours l'esprit de famille en servant de guide. Il ne juge, ni ne condamne.

Aujourd'hui, l'époque du brillant élève de conservatoire qui a donné son premier récital à neuf ans est déjà bien loin. Il aurait pu être instituteur, mais sa passion pour la musique était trop forte, trop puissante. Parallèlement à ses études scolaires, le jeune Chucho jouera en studio ou sur scène avec son père Bebo. Malheureusement, face au système politique en place, son père décide de quitter la Havane en 1960. Chucho se retrouve alors à dix-neuf ans propulsé comme chef de famille. Le choc est rude, mais le jeune pianiste se doit de faire face à ses nouvelles responsabilités familiales. Il doit par ailleurs se libérer de l'héritage musical laissé par son père et conduire sa propre carrière artistique sous sa véritable identité...

Heureusement, ses ressources musicales semblent immenses et Chucho a l'intelligence de diversifier ses approches musicales, de ne pas s'enfermer dans une quelconque tradition musicale cubaine. Il va jouer tous les styles qui se présentent à lui, s'enrichir de ces nombreuses expériences et créer un cercle d'amis musiciens très fidèles. Chucho impose son talent et devient rapidement un pianiste sollicité. Le 'Bebo Valdés junior', tant désiré par les producteurs, est oublié et laisse place au pianiste compositeur Chucho Valdés. Dès lors, le pianiste est partout présent ou presque. Tout le monde réclame sa présence, aussi bien l'orchestre symphonique de la Havane que les vedettes de la chanson…

La musique jazz l'attire aussi. Ses sonorités, ses audaces collent bien avec son esprit aventureux. Dès 1963, il forme un trio. Mais la Havane n'est pas New York, et la musique jazz n'est qu'une musique de 'yankee'. Elle n'est pas très bien acceptée, seulement tolérée, mais surtout elle ne possède pas les accents de la musique cubaine. Qu'importe, le pianiste, parallèlement à ses autres activités professionnelles, poursuit dans cette voie et joue au sein du combo Orquesta Cubana de Música Moderna qui, sous cet étrange nom, n'est en fait qu'un orchestre aux couleurs jazz.

1970 est une année importante dans la carrière de Chucho Valdés. Alors que la musique cubaine repose souvent sur sa tradition folklorique, le pianiste va s'inspirer des rythmes africains pour composer une de ses œuvres majeures, Misa Negra. Lorsqu'il fonde en 1973, la célèbre formation Irakere (signifiant jungle), le pianiste lève le voile sur ses ambitions profondes, celle d'apporter à la musique cubaine de nouvelles lettres de noblesse, en mêlant jazz, rythmes rock et autres tambours batá.

"N'arrêtez jamais ce que vous faites. Cela aura un impact énorme dans l'évolution de la musique afro-cubaine et du jazz" lui aurait dit Dave Brubeck. Le message est entendu, car l'aventure Irakere va se poursuivre durant 27 années… 27 années durant lesquelles la formation va arpenter les festivals et les scènes du monde entier, récoltant au passage plusieurs récompenses, dont un Grammy Awards que Chucho Valdés obtiendra en 1978. Sur sa route, il retrouvera épisodiquement son père, soit à l'occasion de festivals, soit pour enregistrer ensemble (Bebo & Chucho Valdés - Juntos para siempre - 2008).

En 1999, Chucho Valdés passe à une autre offensive, celle du piano solo. Durant les années qui vont suivre, le pianiste transformera à l'occasion quelques-uns de ses concerts solo en concerts pour deux pianos. D'éminents confrères tels que Herbie Hancock, Kenny Barron, Michel Legrand, Frank Emilio, Michel Camilo, Chano Dominguez, John Lewis, Chick Corea ou Gonzalo Rubalcaba partageront l'affiche sans autre appréhension que d'être à la hauteur… car le pianiste impressionne ! Il impressionne par son expérience et sa maîtrise technique.

Quand il est le seul maître à bord, quand il part à l'aventure dans de longues improvisations, ses soudaines accélérations rythmiques croisent souvent le fer avec quelques cadences expérimentales… Avec Chucho Valdés, rien n'est dû au hasard ! Si l'on rajoute à cela ses prestations avec d'autres grands noms tels que Brandford et Wynton Marsalis, Carlos Santana, Joe Lovano, Grover Washington Jr., Dizzy Gillespie, Hugh Fraser, David Sanchez, George Benson, Taj Mahal, Max Roach, Ron Carter, Eddie Gomez, Gato Barbieri, Giovanni Hidalgo, Tito Puente, etc. que dire de plus ! Même notre cher Charles Aznavour aura le grand honneur d'être accompagné par lui...

Lorsqu'il enregistre Chucho Steps en 2010, Chucho Valdés, en rendant hommage au célèbre standard de jazz Giant Steps et à son auteur, John Coltrane, rend également hommage aux compositeurs qui ont marqué son existence : George Gershwin, Cole Porter ou Joe Zawinul. Une façon à lui de ne pas oublier ses pères musiciens, car Chucho a le cœur gros comme ça !

par Elian Jougla


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