ANALYSE MUSICALE



L’ÉTUDE DU RYTHME, DU CLASSIQUE AUX MUSIQUES VIVANTES

Si le rythme est primordial, c’est parce qu’il régit les structures temporelles. Il explique les rapports de durée entre les différentes figures de notes, de silences, mais aussi dans le rapport d’une phrase par rapport à une autre… La façon d’imprimer un rythme construit certes une musique, mais aussi un musicien…


QU’EST-CE QUE LE RYTHME ?

La musique ne s'est point montrée avare à son égard, puisqu'il existe des milliers de combinaisons rythmiques, de facile jusqu'à très difficile. À la base, la construction d’un rythme repose toujours sur un agencement de différentes figures de notes et de silences, et du rapport qu’il existe entre elles.

Les rythmes s’inscrivent dans un mouvement :

mouvement = tempo = rapidité d’exécution (la vitesse pouvant être régulée par un métronome).

En partant de cette base essentielle, chaque rythme s’écrit - pour une commodité de lecture – dans des mesures à 2, 3, 4, 5, 6 temps ou plus. Pour faciliter la lecture, les mesures sont délimitées par des barres verticales : les barres de mesure.


APPROFONDISSONS ET THÉORISONS…

Au sein d'une mesure, les temps sont diversement accentués ; le premier temps est toujours fort, les deuxième et troisième faibles, sauf dans la mesure à quatre temps où le troisième est fort.

Des rythmes complexes apparaissent. Des figures de notes très courtes ou plus longues s'opposent sur le temps et en dehors du temps. La syncope fait alors son apparition. Elle correspond à un déplacement d'accent sur la partie faible du temps, se prolongeant sur un temps ou une partie de temps fort suivant : le temps dit faible devient ainsi fort.

Ensuite, une autre définition découle de la syncope : c’est le contretemps. L'accent est dans ce cas porté sur le temps faible, mais sans prolongement au-delà de ce temps (silence).

Dans la musique dite « classique », les rythmes inscrits dans les mesures peuvent être binaires ou ternaires. Binaires lorsque chaque temps est divisible par 2, 4, 8, etc. ; ternaires lorsque chaque temps est divisible par 3, 6, 9, etc. Cependant, on peut exceptionnellement faire intervenir un rythme ternaire dans une mesure binaire. Ce rythme s'appelle le triolet. L'inverse est également possible : c'est le duolet.


Pour en savoir + : Syncope, contretemps et accentuation.


EXPLORATION DU RYTHME

Dans la pratique du rythme, il existe les mêmes possibilités de variations rythmiques que de variations mélodiques ou harmoniques. Voici quelques exemples…

Liés au tempo, nous avons soit la diminution rythmique : une même formule est rejouée plus lentement, soit l’augmentation : la même formule est rejouée plus vite.

La polyrythmie : plusieurs phrases rythmiques très diversifiées sont jouées simultanément. Il est fréquent d'entendre un rythme binaire superposé à un rythme ternaire par exemple, mais c’est plus difficile à exécuter.

Le perpetuum rythmique est un mouvement perpétuel qui fait défiler pendant un certain temps toujours les mêmes valeurs - par exemple, uniquement des doubles croches. C’est le genre de rythmes que les musiques « vivantes » affectionnent.

L’ostinato rythmique est l'adoption d'une formule rythmique répétée inlassablement. Là-aussi, les musiques « vivantes » en raffolent.

Le canon rythmique procède de la même démarche que le canon mélodique.


Le rythme a suivi la même évolution que les autres éléments de la langue musicale. Comme l'harmonie ou le contrepoint, il est devenu de plus en plus complexe. Peu à peu s'imposa le charme des mesures inégales (Bartók), puis le rythme s'est enrichi de la connaissance des musiques extra-européennes.

À l’extrême, dans les musiques contemporaines, la notion de mesure disparaît, laissant plus souvent la place à une notation proportionnelle des durées : il est fréquent, dans les œuvres contemporaines, de « compter » en secondes, et non plus en « temps ».


RYTHME ET FAUSSE/BONNE IDÉE

C'est une erreur de croire qu'une musique rythmée est une musique scandée. Rien n'est plus pauvre rythmiquement qu'une marche militaire ! Le rythme musical est, au contraire, une pulsation, une respiration qui correspond à des structures humaines. C'est pourquoi la mesure ne peut être qu'une pratique de notation. En fait, le rythme s'attache à toute une phrase, toute une période, voire à l'œuvre entière.

L'un des compositeurs qui a participé le plus activement à l'évolution du rythme dans la musique classique « moderne » est Claude Debussy. La musique de Claude Debussy est généralement difficile à interpréter, car elle demande une certaine rigueur tout en se déplaçant librement dans l'espace-temps. Il en résulte une souple perception de la durée, sans jamais lui imprimer de divisions arbitraires. Satie fera de même en laissant du temps au temps.


USAGE DU RYTHME ET ENSEIGNEMENT

Alors qu’aujourd’hui les rythmes utilisés dans les musiques « modernes » sont joués avec une exemplarité métronomique, il fut un temps où leur utilisation n’était pas sujette à s’appliquer avec autant de précision. Les rythmes s’inscrivaient ainsi dans un style, suivant de près un mouvement cadencé (souvent lié à un rythme de danse).

Quand les partitions se sont répandues, les rythmes ont continué sensiblement à s’accorder quelques « passe-droits » en fonction des œuvres, de leur style et de leurs interprètes. C’est ainsi que presque toute l’histoire de la musique classique occidentale a traversé les siècles, en s’accordant jusqu’au début du 20e quelques affranchissements avec l’exactitude des rythmes écrits. La mélodie comme l’harmonie avaient la suprématie et le rythme n’était qu’un serviteur.

Au tournant du 20e siècle, l’arrivée du jazz allait provoquer un véritable cataclysme dans sa façon d’exploiter le marquage rythmique, prenant alors au piège la relation du rythme avec les écritures. Face à l’apprentissage de cette musique rythmiquement exigeante, les approximations qui évoluaient au cœur des œuvres classiques allaient rejaillir inévitablement dans l’enseignement. Les lignes devaient bouger. Or aucun professeur n’était formé pour transmettre des notions aujourd’hui courantes : rythmes syncopés, hypnotiques, notations harmoniques, lecture des grilles, groove, feeling… Tout un apprentissage et un vocabulaire qui explique qu’un bon nombre de musiciens durent apprendre tout ceci sur le tas, en autodidacte.

De nos jours, un tel discours peut surprendre, mais il faut savoir qu’il n’y a pas si longtemps, l’enseignement des musiques « vivantes » prêtait à faire sourire. L’importance accordée à la lecture des notes était bien supérieure au rythme et à toutes les autres formes d’expression libre, comme la création (rythmique, mélodique, harmonique) ou l’improvisation.

Le musicien au profil classique, confronté frontalement à la difficulté d’asseoir des rythmes très métronomiques et fortement syncopés, devait revoir toutes ses bases pour les reconstruire. Ce n’était pas une question de niveau technique (ils pouvaient être diplômés de conservatoire), mais d’orientation et de prise de conscience par rapport à l’influence déterminante de certains rythmes dans les musiques dites « vivantes ». L’étude du jazz, mais aussi du rock, implique l’usage de certaines figures comme « l’after beat », des polyrythmies spécifiques, mais aussi, et c’est peut-être ça le plus important : une façon de naviguer autour et à l'intérieur du rythme : Groove, Feeling , des termes liés au ressenti, mais difficiles, sinon impossibles à transmettre par des écritures.

Dans les premiers temps, comme pour l’apprentissage du classique, l’étude des musiques « vivantes » a été, elle aussi, assujettie à des méthodes ou à des ouvrages prétendus assez clairs ou suffisamment révolutionnaires pour apporter des réponses, ce qui, bien sûr, étaient rarement le cas ! D’ailleurs, l’enseignement du jazz - qui a été la première musique « vivante » à être enseigné officiellement aux États-Unis (1) - n’offrira de réponses satisfaisantes que tardivement (années 60), le temps de trouver un nombre suffisant de musiciens professionnels aptes à transmettre avec compétence toutes les techniques nécessaires à sa compréhension et à son épanouissement.

Désormais, cette balance entre enseignement classique et musiques « vivantes » tend à s’équilibrer, ce qui permet à de jeunes musiciens d’aborder sereinement un enseignement plus en adéquation avec leur personnalité. Il existe même des passerelles qui permettent d’aborder plusieurs disciplines en même temps (bien que la prudence recommande d’éviter l’éparpillement, toujours nuisible quand on étudie la musique).

1 - En France, les premières écoles verront le jour dans les années 70.

Par ELIAN JOUGLA


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