AU BOUT DES DOIGTS (bande-annonce)
AU BOUT DES DOIGTS, UNE HISTOIRE OÙ LE POSITIF L’EMPORTE

© Umedia
La musique et le piano doivent-ils servir le destin d’un jeune adulte rebelle, voire en perdition ? Pour apprécier le film Au bout des doigts, il faut oublier les quelques invraisemblances dont la musique et le piano font souvent les frais au cinéma. Le fait de contourner la prison en échange d’heures d’intérêt général dans un Conservatoire est d’un point de vue terre à terre, certainement vertueux, mais pas très réaliste. Ce qui est certain, c’est que le dispositif des pianos en gare ouvre l’imaginaire des auteurs en transformant les tentatives et amusements en d’hypothétiques révélations. Un paradoxe qui sert ici de tremplin d’envol dans ce film cousu de fil blanc, mais où le spectateur est capable de se laisser entraîner.
Dans Au bout des doigts, la part sombre de l’existence est éludée à grands renforts de parties musicales issues du répertoire classique. Certes, il est toujours bon que dans un film la partition musicale soit disposée à se livrer bataille par l’intermédiaire de quelques doigts habiles. Dans le 7e art, le talent n’a visiblement pas de limites et les quelques dialogues pseudo techniques lancés dans le film n’expliquent pas tout. Le jeune pianiste est non seulement un musicien qui ignore tout ou presque de ses fécondes relations avec l’instrument, mais en « même temps », il est ce « héros » capable de surmonter les divers obstacles tendus par des œuvres jugées difficiles. Rien ne lui est épargné, seuls les quelques instants de bonheur avec la violoncelliste Anna (Karidja Touré) nous montre que Mathieu est un jeune homme comme les autres.
Dans un tel contexte, mieux vaut peut-être s’attacher au destin des protagonistes et prendre de la distance avec la musique. Saluons déjà Jules Benchetrit (fils de Marie Trintignant) qui joue un personnage tout en contraste, partagé entre la colère et la joie. Ensuite, on peut très bien imaginer ce directeur du Conservatoire national de Paris (Lambert Wilson) soudainement pris d’émotion à l’écoute de ce jeune adulte qui joue du Bach dans une gare. Quand un terrible deuil vous frappe et qu’il ne reste plus que la musique pour passion, celle-ci doit pouvoir se partager, même quand les valeurs sont différentes. Pour Pierre Geithner, donner sa chance à un garçon, aussi insolent et revêche que Mathieu, est comme un défi personnel, mais également une prise de risque pour un établissement dont il a la charge.
LES COULISSES DU FILM AVEC LAMBERT WILSON
De son côté, Kristin Scott Thomas campe un personnage austère. Son rôle se révèle hautement nécessaire à la construction du film. Surnommée par ses élèves la « Comtesse » à cause de ses attitudes hautaines, l'enseignante est devenue une professeure de piano intolérante depuis que ses ambitions de pianiste concertiste ont échoué. Elle instruit maladroitement ce dialogue si difficile entre un instrument, son interprète et la musique qu’il doit servir. Pour un pédagogue, il y aurait là matière à réveiller les heures sombres de l’enseignement pianistique. Fort heureusement, dans la réalité, il existe des moyens moins « agressifs » pour « cadrer » l’attention et la concentration d’un pianiste, même brillant.
En conclusion, Au bout des doigts ne lève pas le voile sur l'art du piano et de l’interprétation de ses grandes pages, mais il offre au spectateur la garantie de passer un moment agréable. Le talent est abordé dans le film à travers son côté intouchable, et si ce n’était pas le cas, ce serait bien triste !
Au bout des doigts
film français de Ludovic Bernard
avec Jules Benchetrit, Lambert Wilson, Kristin Scott Thomas, Karidja Touré
Sortie le 26 décembre 2018