HISTOIRE DE LA MUSIQUE ET DES INSTRUMENTS



LES CLAVIERS UTILISÉS PAR RICK WRIGHT DES PINK FLOYD

Dans les années soixante-dix, les musiciens de Pink Floyd était des pionniers à la pointe de la technologie. Le groupe était devenu une référence. Au cours de sa carrière, le pianiste Rick Wright utilisera un nombre considérable d'instruments. Suivant de près l'évolution du matériel, des claviers acoustiques à ceux électroniques jusqu'au sampling, le musicien sélectionnait chaque modèle à travers un usage ciblé et précis, capable d'imprimer en quelques notes la personnalité sonore de la formation. Ce fait, chargé d'histoire, nous a poussé à revenir sur l'équipement utilisé par le musicien et, à travers lui, d'obtenir un éclairage concernant l'évolution du son et du matériel, classique comme avant-gardiste.


LE PIANO ACOUSTIQUE

Le piano acoustique a toujours été un élément du son du Floyd. Contrairement à d'autres groupes des années 1970, Wright a insisté, à maintes reprises, pour transporter l'instrument lors des tournées. Il n'aimait pas trop utiliser un modèle électrique, comme le Rhodes ou le Wurlitzer, à la place du piano, ceci afin de respecter les orchestrations originales réalisées en studio.

Il est difficile de dire quelle marque de piano figure sur chaque album, mais à l'écoute, sa préférence allait certainement vers "Steinway & Sons" et "Yamaha". Les parties de piano sur Dark Side of the Moon ont été enregistrées avec un classique "Steinway & Sons Baby Grand Piano", que l'on peut voir dans les studios d'Abbey Road à l'époque de la réalisation du documentaire Live At Pompei, en 1972. Concernant "Yamaha", il a employé le modèle "C-7 Acoustic Grand Piano" pour certains des premiers albums, puis dans Animals et The Wall.

© Chris Boland (flickr.com) – Rick Wright au "London Albert Hall", en 2006.

À partir de 1987, le claviériste utilisera l'échantillonneur "Kurzweil K2000" pour la qualité du son de piano échantillonné. Des échantillons ont servi dans les albums Wish You Were Here, A Momentary Lapse of Reason et Delicate Sound of Thunder. Un piano échantillonné a également été utilisé durant les séances d'enregistrement de Division Bell (1994) en cohabitation avec un vrai piano joué par Jon Carin.


LES PIANOS ÉLECTRIQUES

Le groupe est en grande partie responsable du renouveau et de la popularité de nombreux instruments « vintage  », dont celui du "Rhodes" et du "Wurlitzer", qui sont tous deux devenus des incontournables de la plupart des titres trip-hop et électro apparus dans les années 1990. Quatre classiques claviers électriques ont été utilisés par Rick Wright : le "Wurlitzer" (1972-1975), le "Fender Rhodes" (1977-1981), le "Clavinet D6" (1975-1978) et le "Yamaha CP-70" (1979-1981).

L'utilisation par Wright du piano "Wurlitzer" constitue un des éléments du son Pink Floyd. Rick a utilisé le modèle de la série "EP-200" (blanc vanille) en studio et un noir "EP-200A" en tournée. Le son funky et le trémolo du "Wurly" ont introduit une ambiance électrique prenant place quelque part entre le piano jazzy et le vibraphone - deux des amours de Wright. Le "Wurlitzer" a été le premier à être utilisé : Obscured by Clouds (1972), Dark Side of the Moon (1973) et Wish You Were Here (1975), plus précisément dans Breathe. Wright a utilisé une pédale wah-wah avec beaucoup d'effet dans Money (1973).

L'intro de Sheep (1977) est l'exemple le plus notoire de l'utilisation du "Rhodes" par le pianiste. L'instrument produit un son typé que Wright pratiquera principalement pour les passages mélodiques, par opposition au "Wurlitzer" plus axé sur le rythme. Le " Fender Rhodes" a été utilisé dans Mudmen de Obscured by Clouds (1972), dans Animals (1977) et The Wall (1979). Généralement, le modèle employé était un "Rhodes 73/88 Mark I" pour le studio. Sur scène, il était amplifié par deux "Fender Twin Reverb". Au fil des ans, le son du "Rhodes" est devenu la « marque déposée du Pink Floyd  ». Puis, à partir de 1987, un "Kurzweil K2000", personnalisé avec 64 Mo de RAM, sera utilisé pour les échantillons de "Rhodes" et de "Wurlitzer".

© wikimedia – Fender Rhodes Suitcase 88 electric piano.

La place réservée au " Hohner Clavinet D6" sera minime. Wright possédait un modèle "D6 woodgrain". L'instrument figure dans Have a Cigar (Wish You Were Here – 1975) pour la ligne de basse rythmique entendue pendant le solo de guitare, ainsi que dans la partie 8 de Shine On You Crazy Diamond où Wright joue le riff funky sur des accords de "Wurlitzer". Le "D6" est également discret dans Animals (1977), mais cela ne peut pas être aisément vérifié juste en écoutant l'album. En effet, le Clavinet est mixé en arrière de la rythmique. Wright l'utilisera aussi pour son premier album solo, Wet Dream en 1978.

Enfin, le Yamaha CP-70, modèle de clavier électro-acoustique, a été abondamment utilisé dans The Wall live shows (2010-2013), non par Wright, alors décédé, mais par Pete Woods. L'instrument a servi durant les passages solo de Young Lust et Another Brick in the Wall Part 2.


DE L'ORGUE HAMMOND AU MELLOTRON

L' orgue légendaire "Hammond" ne pouvait être absent de l'équipement de Wright. Le claviériste n'utilisera pas un modèle, mais plusieurs. L'originalité de sa sonorité tient dans son association avec la cabine Leslie qui produit un effet sonore tourbillonnant particulier. Le premier modèle sera le "M-102" (1968-1972) qui figure dans les premiers albums de Floyd jusqu'à Obscured by Clouds. Le second, le modèle "RT-3" (1972-1973) sera utilisé dans les séances d'enregistrement de The Dark Side of the Moon et dans le Live at Pompei. Les célèbres "B-3" et "C-3" (1973-1994) ont été requis pour tous les albums de Pink Floyd à partir de The Dark Side of the Moon.

À partir de 1972, le "Hammond" est devenu l'orgue dominant en remplacement du "Farfisa". Pour ce dernier, Wright l'accompagnait d'une chambre d'écho "Binson Echorec" des années 1960. Le "Farfisa" a joué un rôle crucial dans le son Pink Floyd entre 1967 et 1972. On peut le voir utilisé par Wright dans le Live at Pompei (1972). Sa dernière utilisation s'entend dans la version studio du titre Time (1973).

© Global Reactions (wikimedia) – Orgue Hammond B3.

Considéré comme l'ancêtre du sampleur, le "Mellotron" ne pouvait se soustraire à la curiosité de Wright. Comme il nécessitait un réglage constant, son utilisation sera réservée au studio. Les Floyd emploieront un "Mellotron M400 Mark II" de 1968 à 1971 avant d'être vendu. Fidèle à leur étiquette "expérimentale", le groupe a utilisé le jeu de bandes de flûtes, de cordes et de chœur dans les premiers enregistrements : A Saucerful Of Secrets (1968), Ummagumma (1969), Atom Heart Mother (1970) et Meddle (1971).


LES SYNTHÉTISEURS ET ÉCHANTILLONNEURS (sélection)

LES EMS VSC3. L'utilisation du premier synthétiseur, le "EMS VCS3 Synthi A", s'est produit quand Gilmour rendit visite à son inventeur, Peter Zinovieff, dans le laboratoire de ce dernier à Putney, à Londres. Le VCS3 est un synthétiseur monophonique portable doté de trois oscillateurs commandés en tension, un générateur de bruit, un modulateur en anneau et d'autres modules interconnectés au moyen d'un panneau matriciel. Ce synthé représentait une réponse britannique au Moog modulaire que Wright allait employer deux ans plus tard. Selon diverses sources (dont les archives EMS), le VCS3 a été utilisé dans l'album Meddle (1971), Obscured by Clouds (1972), The Dark Side of the Moon (1973) et Wish You Were Here (1975). Le synthé offrait un vaste éventail de possibilités, mais il demandera une année d'expérimentations au groupe pour révéler ses richesses.

Une version ultérieure du VCS3 avec séquenceur et clavier intégré, appelée "Synthi AKS", sera d'abord utilisée dans la chanson titre d'Obscured by clouds (1972) et dans Free Four (1972) pour le bourdon à note unique que l'on retrouve également dans l'intro de Time (1973). La présence du séquenceur intégré le distingue du modèle précédent, ce qui a permis de créer la séquence d'On The Run. On retrouve également le "Synthi AKS" dans d'autres productions à l'exemple de Obscured by Clouds (1972), The Dark Side of the Moon (1973) et Wish You Were Here (1975). À noter que Pink Floyd a utilisé plusieurs de ces synthés en parallèle.

LE MOOG MINIMOOG. Quand Rick Wright s'empara du Minimoog en 1973, l'instrument analogique était un synthé extrêmement populaire. C'est aussi à cette période que Gilmour a employé le premier synthétiseur de guitare britannique, le "Synthi Hi-Fli Guitar Synthesizer"d'EMS, au concept/dispositif très innovant pour l'époque. De son côté, Wright maniera le Minimoog de nombreuses années en studio et en tournée jusqu'en 1977 (tournée Animals). Il l'utilisait principalement comme instrument solo. Le pianiste a par ailleurs utilisé un "Moog Taurus II Footpedal" pour créer des basses supplémentaires dans l'introduction complexe de Shine On You Crazy Diamond (album Wish You Were Here). Lors de la tournée d'Animals (1977), Pink Floyd avait à sa disposition pas moins de trois Minimoog. Un certain débat porte sur l'utilisation de cet instrument durant les séances d'enregistrement de The Wall. Le solo de Run Like Hell sonne comme un "Minimoog", mais il est plus probable que Wright utilisait à la place le "Prophet V" de Sequential.

ARP SOLINA STRING. Dans les années 1970, le "String Ensemble" d'ARP était réputé pour ses sons de cordes analogiques. Il a apparemment été utilisé pour la première fois dans Obscured by Clouds, sur le titre Absolutely Curtains et dans l'intro de Childhood's End. Wright s'en est servi aussi dans l'album Wish You Were Here (1975) ainsi que pour les titres Dogs, Pigs et Sheep (album Animals – 1977) et The Wall (1979).

LE VOCODER KORG VC-10. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un synthétiseur en tant que tel, le vocodeur est néanmoins un appareil de synthèse vocale qui permet d'ajouter une sonorité "robotique" à la voix. Le Floyd a utilisé un Vocoder dans Animals pour le chant principal de Roger dans Pigs, pour le psaume bâtard sur Sheep, ainsi que pour produire les aboiements dans Dogs. Un autre Vocoder a également été utilisé, dix ans plus tard, pour l'enregistrement de A New Machine (1987), vraisemblablement un Roland VP-330. Ce sont respectivement Waters et Gilmour qui ont principalement exploité le Vocoder et non Wright. S'agissant des appareils de synthèse vocale, Gilmour a de plus utilisé un dispositif de « talk-box  » (aussi appelé « voice-box  ») pour manipuler le signal de sa guitare par la bouche ; dans Pigs (1977) et dans Keep Talkin (1994).

© Matt Perry wikimedia° – Kurzweil K2000 synthesizer..

OBERHEIM FOUR VOICE. Ce synthè-là est considéré comme le premier synthétiseur polyphonique à quatre voix avec le Polysynth de Moog. Datant de 1975, Wright l'utilisera pour son album Wet Dream (1978).

SEQUENTIAL CIRCUITS PROPHET V. Wright a acquis ce synthétiseur polyphonique dès sa sortie et il l'a utilisé pour les séances de The Wall. Le Prophet V a été le premier synthé analogique entièrement programmable qui offrait jusqu'à là des performances polyphoniques inégalées. De facto, le Prophet est rapidement devenu un classique des synthétiseurs analogiques des années 80, inévitablement favorisé par les groupes pop de l'ère "romantique". Sa flexibilité sonore et sa programmation aisée en ont fait un favori parmi des gens comme Rick Wakeman ou Peter Gabriel, ainsi qu'auprès des pionniers du synthé tels Vangelis, Jarre et Tangerine Dream. Wright se réfèrera au Prophet comme étant son "synthé préféré".

KURZWEIL K2000. Ce synthétiseur numérique est le premier du genre à être utilisé conjointement par Rick Wright et Jon Carin dans l'album Division Bell et la tournée qui a suivi en 1994. C'est à partir de là que les deux musiciens ont pleinement adopté les échantillonneurs/synthétiseurs numériques. Le K2000 a été utilisé en studio, et pour la scène, l'équipement du Floyd comprenait également le contrôleur "MIDI Kurzweil MIDIBoard", les unités de rack K2000 RS et le K2000 VP. La série Kurzweil K2000 a par ailleurs été utilisée par Rick dans Broken China (1996), avec le MIDIBoard, un échantillonneur "AKAI S1100" et un "E-mu Proteus 2 Orchestral" (pour des échantillons de cordes, de violoncelle et d'instruments d'orchestre). Wright a aussi utilisé un K2000 pour le son de piano acoustique lorsqu'il interprète Wish You Were Here, lors de l'intronisation de Pink Floyd au "Rock-n-Roll Hall Of Fame" en 1996.


LA PARENTHÈSE "TAPE EFFECTS". Les effets sonores sont un élément crucial du son de Pink Floyd. Pour cela, le groupe a utilisé plusieurs magnétophones et des procédés de collage de bandes, d'abord avec l'aide de leur premier producteur Norman Smith, qui avait auparavant travaillé avec les Beatles. À l'époque de l'analogique, il n'y avait pas d'autres moyens de reproduire les morceaux de musique, les voix et les effets sonores. De multiples occasions se sont présentés au fil des albums. Dans Ummagumma (1969), Floyd fera preuve d'une prouesse impressionnante avec des effets de bande manipulés, tandis que pour Dark Side Of The Moon (1973), ce sont des dialogues, des horloges, des battements de cœur et des pièces de monnaie d'une caisse enregistreuse (Money) qui participeront au succès de l'album.


PINK FLOYD : "MONEY"
Un titre incontournable de Pink Floyd identifiable dès son intro grâce au bruit des pièces de monnaie d'une caisse enregistreuse.

Au moment de The Wall (1979) et pour The Final Cut (1983), Pink Floyd avait utilisé une vaste gamme de séquences sonores : dialogues télévisés, voitures, conversations, objets brisés, hélicoptères, explosions et divers sons et bruits qui ont été parfaitement intégrés à la musique, au point d'être présentés dans les disques des Pink Floyd comme s'il s'agissait d'un instrument de musique supplémentaire. Waters a continué à s'appuyer encore plus sur ces trucages dans ses albums solos, en particulier dans The Pros and Cons of Hitch-Hiking (1984) et Amused to Death (1992). La plupart des effets entendus sur les disques devaient être reproduits lors des concerts par des bandes multipistes spécialement préparées et mise en marche au moment approprié de leur show.


SAMPLERS & SÉQUENCERS

Pendant l'absence du groupe (sous la bannière Pink Floyd), entre 1983 et 1986, les premiers échantillonneurs numériques sont apparus : "Fairlight", "E-mu" et "AKAI". L'industrie du disque a alors été prise d'assaut avec toutes les nouveautés MIDI, notamment les séquenceurs, échantillonneurs, synthétiseurs de guitare, effets numériques, et ce, malgré le retour du son analogique "vintage".

Lors des sessions 1986-87 de A Momentary Lapsus OF Reason, Bob Ezrin et Gilmour ont d'abord utilisé des échantillonneurs et des séquenceurs. Cet album sera le premier (et dernier) de Floyd à être enregistré numériquement, à l'exception de la basse et de certaines parties de guitare (comme le solo présent dans Sorrow). Pour la première fois dans l'histoire de l'enregistrement de Pink Floyd, des batteries électroniques "Simmons SD-55" seront utilisées, ainsi qu'un échantillonneur "Kurzweil K250" connecté à un ordinateur Apple Macintosh exécutant "Steinberg Cubase" (séquenceur MIDI). Par la suite, l'utilisation de logiciels s'est étendue aux performances scéniques, au point que les ordinateurs (et même les portables) ont assumé un rôle de plus en plus important durant les concerts.

par ELIAN JOUGLA (04/2023 – Piano Web)

Sources bibliographiques : Andy Mabbett : The Complete Guide To the Music of Pink Floyd (Omnibus Press, 1995) – Glenn Povey & Ian Russel : Pink Floyd: In The Flesh, The complete performance history (Bloomsbury, 1997) – Cliff Jones : Echoes: The stories behind every Pink Floyd song)

À CONSULTER

RICK WRIGHT, PORTRAIT DU PIANISTE

LES CLAVIERS DES BEATLES, DU CLAVOLINE AU MOOG

LES SYNTHÉTISEURS ET CLAVIERISTES DE L'ALBUM "THRILLER"

LES PIANOS ÉLECTRIQUES DES ANNÉES 1960/1970

LES PREMIERS CLAVIERS ÉCHANTILLONNEURS


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